Oui, il y a d’autres animaux de bon aloi. C’est ce qu’a expérimenté l’un d’entre nous au cours d’une mission au Mexique, auprès de l’Alliance française, où il eut l’occasion de rencontrer les responsables mexicains de l’enseignement ; il lui fut alors proposé d’aller participer à une célébration du centenaire d’une Ecole normale dans la ville de Guadalajara, seconde ville du Mexique.
Il fut séduit par l’accueil amical réservé à un Français et, puisqu’il lui était demandé de m’exprimer au cours de la séance solennelle d’ouverture après le secrétaire d’Etat de l’enseignement, il souhaita correspondre au sentiment de fierté qu’il sentait si vif dans le cœur de ses amis enseignants. L’assemblée plénière se tenait dans une grande salle et les visiteurs étaient sur un podium en face de 700 enseignants et normaliens. Notre ami ne pouvait pas ignorer que les formes françaises de notre enseignement élémentaire et de nos formations intéressaient vivement nos auditeurs et leurs responsables. Il se sentait conduit par suite à placer, selon un esprit français, l’Institution scolaire du Mexique sur un registre de noblesse. Toutefois, il voulait éviter d’emprunter un langage amphigourique dont il pouvait penser qu’il ne serait pas reçu. Il s’exprimait bien sûr en français, mais soutenu par une traduction consécutive : il s’interrompait après avoir dit trois phrases, alors traduites par un collègue interprète amical de ses propos.
C’est dans ces conditions qu’après un nécessaire préambule sur l’importance de l’enseignement élémentaire, il en vint à louer la noblesse du travail d’enseignant pour lequel il lui semblait au Mexique qu’il pouvait lui associer l’emblème d’un merveilleux animal. Et il se mit donc à évoquer certains animaux du bestiaire auquel les pays ont souvent recours ; et il assurait de suite que l’animal emblématique qui convenait à l’enseignement mexicain était d’une qualité, d’une nature, qui pouvaient paraître supérieures à celles adoptées même par de grands pays. Ainsi, disait-il, cet animal auquel il pense et auquel vous pensez peut-être, est beaucoup plus beau que les léopards ou même la licorne qui accompagnent la monarchie britannique, accordées même à cet argument employé aussi pour la décoration de la jarretière : « honi soit qui mal y pense[1] ».
Il m’aventurait même à évoquer l’envergure d’un prestigieux oiseau au regard pourtant triste, dont il convenait de remarquer qu’il était en honneur pour une Nation et un Peuple situés en frontière avec le Mexique, vers quelque nord. Il regardait à ce moment là son auditoire, et il put apercevoir les hochements de tête qui pouvaient accompagner l’évocation aquiline[2] qu’il venait de faire et qui peut-être pouvait provoquer les souvenirs d’un rapt fait à d’antiques appartenances (cet aigle sur un cactus au milieu du lac de la future Mexico[3]).
Notre ami sentait que l’émotion commençait à monter dans l’impatience de mes auditeurs de communier avec lui dans l’invocation du merveilleux animal qui pouvait être une représentation et une protection emblématique de leur enseignement. Et il se mit à décrire les comportements de cet animal.
Celui-ci sait se glisser au milieu des situations les plus inextricables ; il arrive à trouver des issues, des parades aux situations et aux oppositions qui voudraient l’indisposer. Dans tous les cas difficiles, il sait se retirer des moments critiques en préservant sa prestance, et en sauvant même, délicatement, ses élégantes moustaches. Les yeux de ses auditeurs s’étaient agrandis ; notre collègue put alors d’un souffle ému évoquer en toute clarté cet animal : comme vous l’avez deviné, c’est bien la panthère rose[4]. Il rendait ainsi hommage sans leur avoir donné l’impression qu’ils aient subi de l’ennui. Peut-être connaissaient-ils la démarche qui pourrait être naturelle à tout enseignant loyal ?
Il s’ensuivit une sorte de grande apnée collective, d’émotion, suivie ensuite d’une explosion d’enthousiasme, ponctuant une telle révélation sublime !. Il faisait bon, il faisait chaud dans cette grande salle. Mais le moment le plus étonnant, le plus poignant, vint au moment du départ, A peine, avec le secrétaire d’état commençaient-ils à descendre de l’estrade que les amis mexicains en fierté romanesque et humoristique, firent entendre la musique bien connue, avec laquelle se manifeste, dans les représentations cinématographiques, la panthère rose.
C’est donc à son rythme que les visiteurs durent partir en marquant leurs pas, devant 700 mexicains électrisés, scandant la musique et reconnaissant la vertu de cet animal admirable qui sait toujours se tirer en sereine bonne humeur des situations les moins faciles. Mais c’est bien une représentation de ce que réalisent les enseignants dans leur vertu, tout particulièrement au Mexique, comme à quoi aussi nous pourrions nous évertuer en France ?
Ne serait-ce qu’en nous souvenant des vertus de l’hospitalité reçue et à pratiquer…
La musique du jour
extrait de
Allégories propices à la démarche enseignante
La métaphore du colibri ou l’élégance en vue d’ajuster sa présence/distance aux élèves
Un animal emblématique pour les enseignants incitant à user de la « ruse » en classe
Le paradoxe d’Abraham ou l’hospitalité nécessaire
L’âge et les illusions ou la confiance nécessaire dans la vie et pour l’enseignement
Les chastes conseils de la chouette alias simples conseils pour bien débuter
Intermède en apnée, La cabine d’ascenseur
Imageries institutionnelles sur l’éducation
La fable des animaux républicains au regard de l’injustice des « instructions » identiques
Edifiante histoire de la mésange couturière illustrant les périls de l’excellence en excès
Mythe du commandement rappelant l’habilité et la subtilité de la marine anglaise
Intermède méridional : Oui, roulons les R ! …
« Gestes » de l’enseignement
Métonymie du maître étalon, ou la mesure scolaire mises en questions
Mirages et corrections au cœur des épreuves, corrections, probations et mirages
L’équilibrisme de la formation organisant la complémentarité entre physique et mental en formation
La petite fille Critique ou Vertus et Vices de la Contestation
Apologue des deux nigauds ou la dénonciation du discours convenu sur l’éducation
Intermède suspensif entre Damoclès et Gribouille
Petit bestiaire de la relation à autrui
Parabole des porcs-épics interrogeant sur la maîtrise sociale des énergies individuelles
La louve et l’enfant ou l’incitation à la confiance qui soigne et qui libère
Le rat de ville, le rat des champs : sur l’effet redoutable des environnements et des influences
Le limaçon et la tortue ou le « délire à deux »
Les chevaux et la chance ou la chance de l’inversion des chances et des malchances
Intermède rogérien, Le dérapage contrôlé
Saga psycho-sociologique du « monde » de l’Education
Allégorie de sa source refoulée : les risques de ne plus être soi-même pour convenir au regard d’autrui
La métaphore de l’écluse explicitant la relation à autrui
Ecrit , écran, écrou, écru sur des supports et de l’étymologie
[1] C'est au cours d'un bal que la Comtesse de Salisbury, maîtresse du roi d'Angleterre Édouard III, perdit lors d'une danse la jarretière bleue qui maintenait son bas.
Édouard III s'empressa de la ramasser et de la lui rendre. Devant les sourires entendus et railleurs de l'assemblée, le roi se serait écrié en français, alors langue officielle de la cour d'Angleterre : « Messieurs, honni soit qui mal y pense ! Ceux qui rient en ce moment seront un jour très honorés d'en porter une semblable, car ce ruban sera mis en tel honneur que les railleurs eux-mêmes le rechercheront avec empressement. »
Dès le lendemain, le roi aurait institué l'Ordre très noble de la Jarretière (the most noble Order of the Garter), ordre de chevalerie qui reste aujourd'hui encore un des ordres les plus prestigieux dans le monde. Son emblême est une jarretière bleue sur fond or, sur laquelle est inscrit la devise « Honi soit qui mal y pense ». Ayant pour grand maître le roi d'Angleterre, cet ordre rassemblait à l'origine 13 compagnons. En 1805, le nombre de membres fut étendu à 25, qui se réunissent chaque 23 avril, jour de la saint George, dans la chapelle Saint George du château de Windsor. (source Wikipedia)
[2] Sur l’aigle américain : L'emblème national est entouré de deux anneaux concentriques. Cet emblème est constitué de l'aigle américain aux ailes déployées. Dans ses serres se trouvent, à droite, une branche d'olivier et à gauche un faisceau de 13 flèches. Dans son bec, il retient un ruban où est inscrite la devise suivante : E pluribus unum . Au dessus de la tête de l'aigle, se trouve un motif formé de 13 étoiles sur fond de ciel bleu surmontées de rayons de soleil et encerclées d'un nuage.
Le revers du sceau n'a jamais été utilisé en tant que tel mais il est connu car il figure sur le billet d'un dollar américain. Il est formé par une pyramide inachevée où apparaît un oeil surmonté de raies de lumières. En dessous sont inscrites les devises suivantes : Annuit coeptis (Il a favorisé notre entreprise) et Novus Ordo Seclorum (un nouvel ordre des siècles).
L'aigle est un symbole de souveraineté. La branche d'olivier et les flèches représentent le pouvoir de faire la paix ou la guerre. Les étoiles sont l'image d'une nouvelle nation s'organisant en république. Le rouge du bouclier rappelle la valeur et la hardiesse, le bleu la vigilance, la justice, la persévérance, le blanc la pureté et l'innocence.
[3] D’après la légende aztèque : Après une longue marche en provenance de la cité Aztlán située au nord ouest du Mexique, les Mexicains arrivèrent dans la vallée de Mexico guidés par leur dieu principal Huitzilopochtli et dirigé par le prêtre Tenoch. La légende raconte qu'en cherchant à se procurer de la nourriture, les Mexicains découvrirent enfin "sur une île, un aigle juché sur un cactus (Nopal) enraciné dans une pierre, dévorant un serpent " (d'où l'origine du drapeau mexicain), comme le disait la prophétie du dieu Huitzilopochtli. C'était cette année en 1325 que la mythique ville de Tenochtitlán fut fondée.
[4] D’après le personnage du film, The pink panther, de Blake Edwards, 1963 ; en fait, la panthère rose est un diamant, mais le générique en dessin animé met en scène une panthère rose, qui a eu une certaine postérité, en grande partie dûe à la musique composée par Henri Mancini.
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