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Quand ça change, ça change 

  • Photo du rédacteur: François Muller
    François Muller
  • 6 oct.
  • 16 min de lecture

Dernière mise à jour : 7 oct.

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Extrait d’une mosaïque byzantine du Vème siècle ap. J.C., Musée du Louvre, focus sur l’environnement 

 

Où le lecteur découvre la "Grande Transformation" en cours dans l'éducation et la formation,  Il y est question de déconstruire les vieilles cartes, d'embrasser l'innovation et les découvertes des sciences cognitives pour focaliser sur des pratiques plus efficaces et contextualisées. Ainsi, cette odyssée éducative, forge une école apprenante, résolument tournée vers la réussite de chaque jeune. 

 

 

 Pourquoi le développement professionnel s’impose-t-il à présent en éducation (en France)  

 

Plusieurs leviers favorisent le progrès des systèmes éducatifs, Ces leviers peuvent être regroupés autour de l'amélioration des pratiques au sein des établissements, du développement professionnel des enseignants, de l'évolution de la gouvernance et de l'importance de l'innovation et de la collaboration. 

 

L'amélioration du fonctionnement des établissements est un levier central. Selon la recherche internationale, le progrès des systèmes éducatifs repose sur l'amélioration du fonctionnement de chaque établissement. Les travaux anglo-saxons mettent en évidence trois leviers clés à ce niveau : une évaluation qui associe les acteurs, un développement professionnel des enseignants qui les accompagne pour utiliser les résultats de cette évaluation, et une nouvelle répartition des rôles et des responsabilités au sein des établissements. De plus, placer les responsabilités au niveau local s'avère efficace. Il est également essentiel de considérer l'ergonomie de l'apprentissage, en tenant compte des processus psychiques tels que l'estime de soi et le sentiment d'appartenance. L'optimisation des temps de récréation a aussi un effet inestimable sur la concentration et le comportement des élèves. 

 

L'évolution des modes de gouvernance contribue également au progrès. La logique générale tend à basculer d’une gouvernance organique (concepteur – préconisateur – contrôleur) à une gouvernance systémique (stratège – facilitateur – évaluateur). Le pilotage d'établissement scolaire est reconnu comme le facteur le plus important d'amélioration de l'École après les enseignants. Une autonomie des établissements d'ordre collectif, et non seulement basée sur l'équipe de direction, est une condition de son efficacité. 

 

L'innovation et l'ouverture aux nouvelles idées sont essentielles. L'innovation est focalisée sur les processus et les dispositifs d’apprentissage, cherchant à dépasser la forme  scolaire traditionnelle. Les nouvelles idées apparaissent souvent de mélanges étranges dans les marges du système. Les organisations se nourrissent des réseaux et des mouvements. Le développement des réseaux de recherche universitaires et de l'Internet pédagogique rend les résultats plus accessibles. Il est important de valoriser l'innovation et d'encourager la prise de risque au sein des établissements. 

 

La collaboration et la mise en réseau sont des leviers importants. Les organisations se nourrissent des réseaux et des mouvements. L'enrichissement des réseaux sociaux en éducation et le développement de mouvements dynamiques sont à prendre en compte. La mise en réseaux d’établissements et d’écoles à différentes échelles favorise une réflexion systémique et le partage des meilleures pratiques. Développer les établissements scolaires comme des communautés d’apprentissage professionnel a des effets significatifs sur l’instruction. 

 

Le développement professionnel des enseignants est un autre levier fondamental. Il est même considéré comme le levier le plus puissant sur lequel le système scolaire peut s'appuyer pour favoriser l’apprentissage en classe. Un développement professionnel efficace ne représente pas une charge supplémentaire, mais une véritable source de bien-être en brisant l'isolement, en développant les compétences et en renforçant la confiance en soi. Il doit être centré sur l’enseignement et les apprentissages, en mettant l'accent sur l'amélioration des résultats des élèves, la manière d'enseigner et l'analyse des erreurs des élèves. Il doit également faciliter le travail collaboratif. Des initiatives comme l'intervention de "facilitateurs de développement professionnel" directement dans les classes, comme en Nouvelle-Zélande, illustrent des approches innovantes. Partager les études de leçon est également une modalité de formation puissante, comme au Japon. L'écriture de sa pratique et pour sa pratique renforce la réflexivité dans le développement professionnel. 

 

Enfin, il est crucial de s'intéresser à ce qui fonctionne ("What works ?") en éducation, en s'appuyant sur la recherche et les évaluations pour identifier les pratiques efficaces. L'évaluation des progrès et des acquisitions des élèves est essentielle pour assurer la progression des apprentissages. 

 

En s'appuyant sur ces différents leviers, en favorisant une approche systémique et en plaçant l'amélioration continue au cœur des préoccupations, les systèmes éducatifs peuvent progresser vers une plus grande efficacité et équité. 

 

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En ligne (prezi)  , la carte du changement, innovation, développement professionnel  et « ami critique »   Combiner amélioration des acquis des élèves, changement de leadership scolaire, développement de l’auto-évaluation des unités éducatives, mise en œuvre de développement professionnel continu et réseaux d’innovation : place et rôle de l’innovation et de l’ami critique dans le paysage.  Voir https://prezi.com/hgyfxh2q_y3j/ecole-la-grande-transformation-les-cles-de-la-reussite-ed-esf-2013/  

 

Quelle lecture pouvons nous partager des évolutions du métier d’enseignant depuis les années 2000, et partant de là, du système dans lequel il exerce au mieux de ses compétences? Dix tendances traversent l’éducation et dessinent un espace dans lequel nous évoluons pour les prochaines années. 

 

Internationalisation et globalisation des questions d’éducation 

2001 marque un changement dans les références, quand s’initie PISA (Programme international de suivi des acquis des élèves) à la livraison triennale; plus rien n’est plus comme avant. Comme le souligne Alain Bouvier, « la réforme des programmes, de la didactique et des outils, la réforme de la formation des enseignants dans un cadre européen et mondial, les systèmes d’évaluation […], la formation des chefs d’établissement […] et le pilotage des systèmes sont des questions qui se posent de manière transversale en des termes différents certes, mais qui se posent partout »1. Effet de cette mondialisation : les modèles nationaux tendent à plus de différenciation et les écoles s’interrogent sur le contenu de leur programme et leurs valeurs. Dans quelle mesure cette interrogation collective aboutit-elle à définir un modèle d’école? 

 

Partout en Europe le métier change. La diffusion d’un nouveau modèle professionnel résulte à la fois des politiques éducatives et des changements sociaux et culturels. «Grâce à des établissements plus autonomes, développant des projets éducatifs portés par des enseignants engagés dans une dynamique collective, grâce à des enseignants pédagogues, réflexifs et centrés sur l’apprentissage de l’élève, grâce aussi à un cadrage institutionnel où l’État régule et évalue les unités d’enseignement décentralisées, l’école devrait pouvoir affronter les défis auxquels elle est confrontée. Elle devrait devenir simultanément plus juste et plus efficace», peut-on lire dans une étude publiée par l’Université catholique de Louvain2

 

Le cadre référentiel et l’organisation des systèmes éducatifs en vigueur chez nos plus proches voisins européens ont des incidences fortes sur notre propre cadre national, comme par exemple l’approche par compétences, d’abord en langues (CERCL3 – cadre européen commun de références des langues) puis l’adoption d’un Socle commun « à la française » en 2005, revu en 2013 puis en 2025 à présent, qui s’inspire explicitement des « basics skills » déjà implantés ailleurs, avec des adaptations encore nécessaires; la tendance est longue et l’aventure continue. 


L’enquête internationale TALIS 2024 pointe l’insuffisance, voire le retard de la formation initiale comme continue. Alors que les enseignants français sont de plus en plus confrontés à des défis pédagogiques, technologiques et sociaux, les formations initiales comme continues peinent à les préparer et les accompagner.

 

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Notre différence réside sans doute dans l’aménagement de ces nouveautés, sans faire fondamentalement évoluer ni les métiers ni l’organisation, définis au niveau national, même si le mot « refondation » a été employé. Ainsi, l’innovation dans sa version française pourrait se définir comme la recherche d’ajustement des pratiques et des organisations à des éléments de programmes institutionnels, souvent combinés, en réponses adaptées à des contextes locaux plus difficiles. On peut ou non partager ces évolutions, c’est le cadre qui change, par le haut, et par le bas. 

 

Foisonnement du numérique  

Politique volontariste en plans successifs, pratiques sociales diffuses (chez les profs, aussi évidemment), changement des relations inter-individuelles, interactions plus intenses, plus horizontales et plus informelles à la fois, implosion des espaces confinés ou sécurisés : le numérique avant d’être des objets technologiques à maîtrise incertaine, contient tous ces ferments de changement4 introduits dans les murs de notre École : on passe d’ « Entre les murs » (titre du film récompensé aux Césars qui décrivait un huis clos entre un professeur sans grand savoir-faire et des élèves en attente), à une école « Hors les murs5 » (du nom d’un dispositif ouvert et interagissant avec les classes du monde entier). 

 

Par le numérique, le monde s’invite directement sur nos pupitres. Face à cette situation, on oscille entre deux possibilités : l’interdire, tels les ENT (environnement numérique de travail) qui tentent de brider les accès aux réseaux sociaux; ou on peut faire le choix d’en apprivoiser les usages. Sous couvert du vocable « innovation », la confusion est fréquente avec le numérique, à tous les niveaux. Le numérique implémente l’éco-système du professeur, mais tout peut changer pour que rien ne change aussi. Ce sont des choix qui relèvent de l’enseignant, plus largement, d’une équipe, mue par une conception de l’école recentrée sur l’acte d’apprendre. Certains invitent au BYOD6 avec leurs élèves quand on réitère l’interdiction formelle au collège ; l’IA générative inonde le monde scolaire sans grande préparation des uns et des autres. Léonard de Vinci, traversant les Alpes, avait compris la force inéluctable de l’eau torrentielle. Et nous ? 

 

Déconstruction des représentations et reprogrammation des systèmes 

Dans la continuité des conclusions de Marcel Gaucher caractérisant « le désenchantement du monde», comme d’autres sociologues signalent la fin des idéologies, en appui à l’analyse partagée par des travaux communs avec des psychiatres et des cliniciens du travail (CNAM), il est possible d’évoquer une désarticulation des systèmes logiques : nous tous sommes mus par un système de valeurs, de représentations, qui président à nos actes. Ces représentations sont elles-mêmes issues de la combinaison entre des expériences initiales et des modèles issus de notre propre formation initiale (s’il y en a eu d’ailleurs), ou encore d’éléments appris sur le tas, en « salle des profs», ou encore par affiliation à quelques prises de position portées médiatiquement 

 

Ce système peut vous sembler logique et coutumier (« J’ai toujours fait comme cela »). Nous avons pu nous construire, nous former, nous faire guider par des systèmes, composés d’institution (« ce qui institue»), de sécurité, d’assurance et de stabilité. Ce constat se vérifie dans tous les métiers, et ceux de l’enseignement ne font pas exception. 

 

Cependant, il suffira de quelques gestes, ou paroles, d’un élève, d’un collègue, ou d’un parent, pour que votre système de pensée, « représentation du monde », soit ébranlé. Enseignants, tous niveaux confondus, mais aussi directeurs, chefs d’établissement, inspecteurs, formateurs, nous sommes confrontés à des tensions ou des renforcements paradoxaux qui, selon les cas, nous tirent à hue et à dia, élargissent nos compétences, mais parfois désarticulent nos actions, nous laissant en perte de repères traditionnels (« c’était mieux avant »?). 

 

Bien des témoignages recueillis en de multiples endroits nous renvoient une image en mosaïque de perceptions des évolutions troublant les métiers de l’éducation et de la formation comme autant de forces telluriques travaillant les structures rigides de l’écorce terrestre, Ainsi, nous pourrions, à l’envie, identifier des couples ambivalents7, sans opposition mais en tension, tels que : Évaluer / Accompagner ; Didactique / Transversal ; Formation/ Développement professionnel etc (cf. infra) 

 

La métaphore tellurique est signifiante : si la perception sensible se fie à la stabilité rassurante de la surface, tous savent que la réalité dynamique et magmatique de la Terre fera en sorte que la Californie peut disparaître en un jour dans la faille de San Andréas : d’une certaine façon, moins cela bouge à présent, plus cela va bouger (id est : plus le rattrapage des retards structurels sera important et violent). 

 

Faut-il déplorer ces incohérences qui risquent de mettre à mal les dispositifs de terrain et parfois certains acteurs? Elles marquent un changement, trop lent pour certains mais durable, de toute institution, la nôtre comme d’autres. Ce qui peut sembler incohérent ou rétrograde n’est souvent que l’expression de forces en pleine mutation ; il est tentant de retrouver les formes du passé pour accepter celles du présent et de l’avenir prochain. 

 

Praticiens, experts, cliniciens sont pourtant d’accord pour signaler aux responsables qu’il est important de reconnaître ce malaise pour ce qu’il est et d’autre part, de tenter ensemble d’en proposer une explicitation partagée, « problématisée », sans rechigner à la complexité des choses; de distinguer des analyses « macro » du ressenti « micro », l’une et l’autre étant réelles. C’est très «aidant» pour les personnes et pour les structures. Travailler dans le non-sens ou dans la désorganisation non assumée, « résister » représente un vrai coût sur le plan psychologique. 

 

Souvent l’on peut évoquer publiquement le « travail émietté », parcellisé dans les organisations ; il devient salutaire, en prévention de traiter notre organisation comme «apprenante ». C’est un des enjeux de nos années actuelles et à venir. 

 

Conduire le changement par les pratiques plus qu’administrer la pédagogie 

D’après la recherche internationale, le progrès des systèmes éducatifs repose sur l’amélioration du fonctionnement de chaque établissement8. Les travaux anglo-saxons mettent en évidence trois leviers : une évaluation qui associe les acteurs; un accompagnement du développement professionnel des enseignants qui leur apprenne à utiliser les résultats de cette évaluation; une nouvelle répartition des rôles et des responsabilités au sein des établissements. 

 

La notion de leadership s’est peu à peu imposée pour caractériser la création de nouvelles fonctions intermédiaires entre l’équipe de direction et les enseignants. Pour Bernard Toulemonde, il faut «confier des responsabilités aux personnels enseignants et non enseignants, de façon à les associer à la marche de l’établissement, à les impliquer dans le fonctionnement non seulement pédagogique mais aussi administratif et financier ». Chaque métier connaît donc au niveau local des évolutions dynamiques et enrôlantes, en interface avec les autres, en coopération et en régulation (voir chapitre 5). 

 

Entériner les acquis de la recherche scientifique des sciences cognitives 

Bruno della Chiesa (CERI-OCDE) invite tous les enseignants à se rapprocher de la recherche en sciences cognitives; certains points sont à présent très documentés pour des enseignants qui n’ont pas à analyser le fonctionnement mais qui interviennent bien sur l’attention, la mémoire et les apprentissages. S’intéressant par exemple à la manière dont la gestion des émotions peut favoriser ou interdire la capacité attentionnelle, ou bien encore comment le sentiment de peur est résolument contre-productif à tout apprentissage. La capacité d’apprentissage est intacte, sans qu’il y ait forcément de période critique où tout serait joué. On peut noter aussi l’importance d’activités systématiques pour développer des automatismes fondamentaux pour la réussite scolaire ultérieure, notamment pour l’apprentissage du calcul et la maîtrise des opérations dès le CE2. Tous ces apports reconditionnent l’organisation des activités et des temps scolaires, pour peu qu’un collectif enseignants et direction y prêtent une attention soutenue. 

 

Apprendre, une vague de fond qui bouleverse l’éducation 

Lors du «Word Innovation Summit for Education » (WISE) en 2011, Charles Leadbeater, ancien conseiller de Tony Blair, a communiqué six idées, qui structurent son ouvrage « Innovation on education, lessons from pioneers around the world » à partir de l’enquête sur le terrain d’actions repérées comme innovantes, illustrées de photographies hautes en couleur. Il nous adresse quelques messages forts : 

 

  • le talent est partout. L’envie d’apprendre et les initiatives fusent. Comment l’école y répond-elle? 

 

  • la qualité plutôt que la quantité. La valeur des initiatives, pour peu qu’elle puisse être communiquée, renseigne plus que les résultats purement quantitatifs. Comment les équipes peuvent-elles communiquer sur la valeur (en termes qualitatifs) ou les valeurs (en termes d’objectifs) de leur action? 

 

  • mieux apprendre, apprendre autrement, moins de forme scolaire. L’innovation est assurément focalisée sur les processus et les dispositifs d’apprentissage; comment dépasser la forme et l’organisation scolaire traditionnelle pour la reconditionner sur de tels objectifs? 

 

  • les nouvelles idées apparaissent du fait de mélanges étranges dans les marges du système. Comment un système institutionnel et structuré intègre-t-il ce qui peut sembler «marginal » ou « dissonant »? 

 

  • les organisations se nourrissent des réseaux et des mouvements. L’enrichissement des réseaux sociaux en éducation, le développement de mouvements dynamiques sont-ils pris en compte dans l’évolution de l’école? 

 

  • plus, mieux, différent. L’innovation est un processus d’amélioration et de changement ; comment l’institution s’en accommode-t-elle? 

 

  • quand les mouvements rencontrent le système. Dans quelle mesure les organisations structurées de l’école s’inscrivent-elles dans un mouvement apprenant? 

 

Apprendre est un acte à prendre au sérieux pour l’École; en tant que processus complexe, il interroge l’École dans sa structure, son organisation et son fondement institutionnel hérité (enseigner, transmettre). Ce n’est pas la négation ou l’inversion de son histoire; c’est au contraire sa contemporanéité et son futur. 

 

Focalisation sur les pratiques efficaces 

Sujet tabou ou évidence implicite, légitimée par l’obtention d’un diplôme, en France, un agrégé est un bon enseignant comme si la maitrise de connaissances didactiques assurait la performance pédagogique Les facteurs d’efficacité des pratiques enseignantes ont fait l’objet de peu d’études approfondies. L’IFE (Institut français de l’éducation) consacre une revue de littérature aux «effets des pratiques pédagogiques sur les apprentissages ». Il est impossible de donner une réponse tranchée à notre problématique de départ, à savoir, « certaines pratiques pédagogiques sont-elles plus efficaces que d’autres pour parvenir à la maîtrise par les élèves des compétences de base ? » et surtout « il n’est pas simple de réaliser un manuel des bonnes pratiques, applicables en tous lieux et en toutes circonstances ». 

 

Le développement des réseaux de recherche universitaires (programmes de recherche européens, internationaux), mais aussi ceux plus informels de l’Internet pédagogique, rend infiniment plus fluides et plus accessibles les résultats des acquis. Les chercheurs préfèrent des problématiques exprimées en termes empruntés à la sociologie de l’éducation ou encore aux politiques d’éducation : par exemple, learning, assessment for learning, accountability, professional development, shared leadership et effective pedagogy (sic)9. L’abus de termes anglo-saxons pourrait en effrayer certains mais leur usage semble parfois nécessaire pour identifier que nous partageons les mêmes évolutions scolaires que bien d’autres, proches ou lointains; les questions sont identiques, les organisations peuvent différer, les choix restent à construire avec tous les acteurs, localement et nationalement.  

 

Le message est d’ailleurs d’un fol espoir : les pratiques enseignantes ont des effets sur les réussites des élèves10. C’est l’hypothèse du présent ouvrage. 

 

 

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L’arbre sert de matrice de navigation en hypertextes et en hyperliens sur le site « Diversifier », appuyé sur les travaux d’André de Peretti, depuis que l’internet fut rendu public, en 1997.  http://francois.muller.free.fr/diversifier/  

 

John Hattie11 à l’issue d’une méta analyse de 800 monographies a pu identifier les pratiques et dispositifs pédagogiques ayant le plus d’effets sur l’apprentissage des élèves; en une courte synthèse. 

 

« L’effet enseignant », à savoir la part de responsabilité propre à l’enseignant dans la variance des résultats de ses élèves au sein d’une classe, ne dépend pas seulement des caractéristiques personnelles des professeurs : l’âge, le sexe, l’origine sociale, le statut ou l’avancement dans la carrière ne permettent pas d’expliquer les différences d’efficacité. 

 

Une enquête, menée par Georges Felouzis, portant sur six professeurs de mathématiques et vingt-cinq professeurs de français en classe de seconde montre que l’efficacité des enseignants doit être pensée en relation avec les évolutions du système éducatif et du public scolarisé. Il se dégage en effet deux grandes attitudes vis-à-vis de ces évolutions, qui sont aussi deux manières de concevoir le rôle et le métier d’enseignant : la première est une forme de « ritualisme académique » qui reste attachée à un état antérieur du système éducatif ; la seconde renvoie à un « pragmatisme pédagogique », plus proche des élèves tels qu’ils sont aujourd’hui. 

 

Toutes ces pratiques sont plus efficaces quand elles sont corrélées entre elles au niveau d’une classe, voire (et surtout), au niveau de l’organisation d’une école ou d’un établissement. « Le tout est plus important que la somme des parties », disait Aristote. 

 


Croisement des disciplines et partenariats 

L’école française a été largement structurée par l’aval et la définition des champs de connaissances universitaires; et dans un curieux paradoxe, plus l’école s’est démocratisée dans les années 1960 à 80, plus la « disciplinarisation» s’est accentuée. Par exemple, l’ancienne EMT (éducation manuelle et technique) s’est muée en technologie plus abstraite au moment même où le collège accueillit tous les élèves.  

 

Depuis vingt ans, la recherche d’une plus grande efficacité par les équipes a conduit à des dispositifs variés de rapprochement des contenus et des objectifs; au départ marginale, l’interdisciplinarité s’est imposée progressivement, non sans résistance, pour tenter de donner du sens et de la saveur aux savoirs. Ce n’est pas nouveau en soi, mais la masse critique des expériences est significative; il s’agit pour des équipes de construire du sens et de l’intérêt pour des élèves parfois largués par des arguties didactiques (le « paragraphe argumenté » comme paragon de l’histoire par exemple); chaque discipline retrouve sa place dans une explication plus cohérente et plus complexe de notre monde contemporain. L’analyse de 300 dispositifs « innovants » atteste de cette tendance en éducation13

 

L’éclairage des écrits d’Edgar Morin est essentiel dans ce domaine. Plus combinatoires, les contenus sollicitent aussi des compétences élargies auxquelles différents partenariats peuvent contribuer.  

 

Émergence des organisations apprenantes 

Écoles et établissements scolaires sont progressivement et de manière disparate passés d’une logique tayloriste, puis programmatique, à une logique plus dynamique et régulée, orientée vers la recherche d’une plus grande efficience. En mettant en place des dispositifs de régulation et d’analyse de son propre fonctionnement, en se souciant des apprentissages formels et informels de tous ses personnels, une organisation pouvait faire la différence à contexte égal par ailleurs.  

 

Ce mouvement touche l’École, marquée encore par la démarche de projet des années 1980, linéaire, dans une formalisation empreinte parfois de rigidité. Le changement se réalise de manière plus systémique et plus durable; les enseignants débutants s’engagent dans une prise de métier plus intégrée et solidaire, au sein d’équipes plus renforcées. 

 

Ces dix tendances tracent le cadre nouveau du métier, dans un paysage scolaire encore largement hérité, dépendant des contextes locaux et des logiques professionnelles encore très individuelles.  

 

Vous aurez sans doute le sentiment de ne pas (du tout) reconnaître la situation à laquelle vous êtes confronté(e). La question du point de vue est essentielle En géographie, c’est ce qui peut faire la différence entre un paysage et un espace. Il sera donc important pour vous de parcourir cet espace pour mesurer si oui ou non votre situation est spécifique et si différente de celle qui est (souvent) juste à côté de vous. 

 

Andy Hargreaves et Dennis Shirley, dans leur rapport sur « la face cachée de la réforme de l’éducation »14 (au Québec), prodiguent des messages explicites (indirectement);  

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 Développement professionnel mieux que formation 

À l’heure où la formation « académique » des enseignants à l’université est de niveau master 2 et où les dispositifs de formation continue se réduisent ou ne satisfont plus, il convient de changer de paradigme pour envisager ce que d’autres systèmes ont identifié comme «développement professionnel », ce qui est acté dans le référentiel des métiers de l’éducation depuis 2013 en France. Ces dispositifs ont cherché à répondre à une question aussi lourde que celle de déterminer « comment les enseignants apprennent? » et « à quelles conditions ils modifient leurs pratiques? ». 


Les résultats de l'enquête TALIS en 2024 sont alarmants pour la situation française: la formation professionnelle tout au long de la carrière, censée combler les lacunes de la formation initiale, ne remplit pas son rôle. Seuls 35 % des enseignants français estiment que les formations suivies au cours des douze derniers mois ont eu un impact positif sur leur pratique, contre 55 % en moyenne OCDE.

Les besoins sont pourtant bien identifiés : 28 % des enseignants demandent une meilleure formation pour enseigner aux élèves à besoins éducatifs particuliers, 24 % pour l’usage de l’intelligence artificielle, et 20 % pour le soutien au développement socio-émotionnel des élèves.

Chez les enseignants débutants, les besoins en formation sont encore plus marqués : 37 % déclarent avoir un besoin élevé de formation sur les élèves à besoins éducatifs particuliers, 29 % sur la gestion de classe et 28 % sur le soutien socio-émotionnel.

Les obstacles à l’accès à la formation sont récurrents : 71 % des enseignants citent le manque de temps en raison d’autres responsabilités, 59 % évoquent des conflits avec leur emploi du temps professionnel, et 56 % dénoncent une offre de formation non pertinente. Ces freins sont encore plus marqués chez les débutants.

 

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A l'inverse, dans bien des pays évoqués, les dispositifs de formation partent d’une enquête sur les pratiques12 en s’attachant à reconnaître la part d’expertise de chacun, et partagée au niveau d’un établissement. Les chercheurs insistent sur la déprivatisation des pratiques (on va chez l’un, chez l’autre); on s’attache solidairement à analyser ce qui marche et ce qui résiste; l’équipe est accompagnée par un « ami critique », sans équivalent à une inspection individuelle. Cette régulation patiente et organisée autorise le groupe à expérimenter telle ou telle pratique ou outil ou dispositif; la consultation des élèves sur les effets est requise. Des ressources peuvent être sollicitées à l’extérieur. Cette combinaison réalisée à l’échelon local produit par coalescence une amélioration des résultats. 


On retiendra des invitations relatives à l’organisation même du travail interne (nouvelle répartition des rôles et des responsabilités au sein de l’école ; direction plus collégiale), des relations renouvelées avec élèves comme avec les parents par exemple et le renforcement de la reliance (réseaux). 

 

Dans ces domaines identifiés, quelles sont les facilitations proposées par le conseiller pédagogique ? Comment le pratiquez-vous ? 

 

C’est une invitation au voyage pédagogique dans l’espace des pratiques professionnelles à laquelle vous êtes conviés ici, dans le respect de votre propre représentation , en affutant votre analyse du changement. 


Ce post est extrait d'une série dédiée à la "fabrique de l'accompagnement" (éd. 2025)

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