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J'ai des urgences quotidiennes à gérer, ce n'est pas ma priorité.

 

"Je voudrais bien me former, mais quand ? Entre les cours à préparer, les copies à corriger, les conseils de classe, les réunions parents-professeurs, les projets d'établissement..." Cette réflexion d'une enseignante de collège en région parisienne résume le sentiment partagé par nombre de ses collègues. Avec des journées déjà bien remplies et une moyenne de 44 heures de travail hebdomadaire pour un enseignant du second degré en France (enquête DEPP 2023), le développement professionnel semble souvent relégué au rang des bonnes intentions. Pourtant, comme le souligne François Muller, "c'est précisément dans ces contextes de forte pression temporelle que le développement professionnel devient non pas un luxe, mais une nécessité pour sortir de la spirale de l'urgence."

 

Réorganiser son temps professionnel : des solutions concrètes

Identifier et optimiser les temps cachés

Marc L., professeur de mathématiques dans un lycée de Toulouse, a transformé ses trajets quotidiens en temps de formation : "J'écoute des podcasts pédagogiques pendant mes 30 minutes de transport. Cela représente 5 heures par semaine de développement professionnel sans impact sur mon emploi du temps." Cette approche fait écho aux travaux d'Helen Timperley qui souligne que "le développement professionnel le plus efficace n'est pas nécessairement celui qui demande le plus de temps, mais celui qui s'intègre naturellement dans notre quotidien."

 

Les micro-temps de formation au quotidien

En France, l'expérience du collège Georges Brassens de Montpellier est éclairante. Les enseignants ont mis en place un système de "pause pédagogique" de 15 minutes pendant la pause méridienne, deux fois par semaine. "Nous partageons nos difficultés, nos réussites, nos astuces. C'est court mais très efficace," témoigne Pierre D., professeur d'histoire-géographie. Cette pratique s'inspire du modèle finlandais des "mini-formations" intégrées au quotidien.

 

Mutualiser pour gagner du temps

À Bordeaux, un groupe d'enseignants de sciences a créé un système de rotation pour la préparation des TP : chacun prépare à tour de rôle une séance complète qu'il partage avec ses collègues. "Ce qui me prenait 2 heures ne me prend plus que 20 minutes, et le temps gagné, je peux l'investir dans ma formation," explique Sarah M., professeure de physique-chimie.

 

Transformer les contraintes en opportunités de développement

Les obligations de service comme leviers d'apprentissage

En France, les conseils d'enseignement obligatoires peuvent devenir des espaces de formation entre pairs. Au lycée Victor Hugo de Besançon, ces réunions ont été repensées : "Nous consacrons systématiquement 20 minutes à un partage d'expérience sur une pratique innovante," explique la coordinatrice de discipline. Cette approche rejoint les observations de John Hattie : "Les moments d'échange formels entre collègues, même courts, ont un impact significatif sur l'évolution des pratiques."

 

Le numérique comme allié temporel

L'exemple du collège Jean Moulin de Lyon est révélateur. Les enseignants utilisent un pad collaboratif pour partager leurs questions et ressources. "Cinq minutes par jour pour consulter les échanges, et je reste en formation continue," témoigne Laurent B., professeur de français. En Estonie, cette pratique du "micro-learning numérique" est institutionnalisée et permet aux enseignants de se former en continu sans surcharge temporelle.

 

La classe comme laboratoire de formation

Anne-Sophie R., professeure des écoles à Nantes, a transformé sa classe en espace de recherche-action : "Chaque nouveau dispositif que je teste devient un objet d'étude. Je note mes observations, j'analyse les résultats. C'est du développement professionnel en situation réelle." Cette approche fait écho aux travaux néo-zélandais sur l'apprentissage professionnel contextualisé.

 

Construire une dynamique durable malgré les contraintes

Le collectif comme solution aux contraintes individuelles

Dans l'académie de Rennes, des enseignants ont créé des "trinômes de développement professionnel" : trois collègues qui s'observent mutuellement une fois par trimestre. "C'est plus facile de libérer une heure quand on sait que c'est réciproque," explique un participant. Cette organisation s'inspire du système de mentorat japonais tout en l'adaptant aux contraintes françaises.

 

Planifier pour mieux gérer

À Marseille, une équipe pédagogique a adopté la méthode des "créneaux sanctuarisés" : "Nous avons identifié dans nos emplois du temps les moments les plus propices au développement professionnel et nous les avons sanctuarisés. C'est comme un rendez-vous avec soi-même," explique le coordonnateur. Cette approche rejoint les recommandations de François Muller sur "l'importance de ritualiser les temps de développement professionnel."

 

L'accompagnement institutionnel

L'académie de Grenoble expérimente un nouveau dispositif : des "coaches pédagogiques" visitent les établissements pour des sessions courtes mais régulières. "Ils s'adaptent à nos horaires, viennent pendant nos trous ou notre pause déjeuner. C'est la formation qui vient à nous," témoigne une enseignante. Cette initiative s'inspire du modèle ontarien tout en tenant compte des spécificités françaises.

 

Conclusion

Face aux contraintes temporelles qui pèsent sur le métier d'enseignant, le développement professionnel ne peut plus être pensé comme une activité chronophage supplémentaire. Les expériences de terrain, en France et à l'international[1], montrent qu'il est possible de l'intégrer au quotidien par une réorganisation intelligente du temps et des pratiques. Comme le résume Helen Timperley : "Le développement professionnel le plus efficace n'est pas celui qui s'ajoute à notre charge de travail, mais celui qui nous aide à mieux la gérer." Les exemples présentés démontrent que chaque enseignant peut, à son niveau et selon son contexte, trouver des solutions adaptées pour faire de son développement professionnel une priorité réaliste et soutenable.


[1] Méta-analyses et études internationales : Hattie, J. (2009)**. Visible Learning: A Synthesis of Over 800 Meta-Analyses Relating to Achievement. Routledge. - Timperley, H. (2011)**. Realizing the Power of Professional Learning. Open University Press. - OCDE (2019)**. TALIS 2018 Results (Volume I): Teachers and School Leaders as Lifelong Learners. OECD Publishing.-  Muller, F., & Normand, R. (2014). École : la grande transformation ? Les clés de la réussite. ESF Sciences Humaines. - Recherches françaises :  DEPP (2023)**. Note d'information n°23.14 : Le temps de travail des enseignants du second degré public en 2022. Ministère de l'Éducation nationale. - Études par pays : Finlande Sahlberg, P. (2021)**. Finnish Lessons 3.0: What Can the World Learn from Educational Change in Finland? Teachers College Press. – Japon ; Akiba, M., & LeTendre, G. (2018)**. The Routledge International Handbook of Teacher Quality and Policy. Routledge. – Estonie European Commission (2020)**. Digital Education at School in Europe: Eurydice Report. Publications Office of the EU. – Ontario : Campbell, C., et al. (2017)**. Empowered Educators in Canada: How High-Performing Systems Shape Teaching Quality. Jossey-Bass.


Le développement professionnel, une source de bien-être pour les enseignants

Loin d'être une contrainte supplémentaire, le développement professionnel bien conçu devient une source d'épanouissement personnel et professionnel, contribuant à la fois à une meilleure gestion du stress et à un regain de motivation.


Briser l'isolement et retrouver du sens

  • Lutter contre la solitude du métier: Le développement professionnel offre aux enseignants des occasions précieuses de briser l'isolement souvent associé à leur profession La participation à des groupes de travail, des communautés d'apprentissage ou des réseaux d'échange permet de partager ses expériences, ses questionnements et ses difficultés avec des collègues qui vivent des réalités similaires.

  • Retrouver le plaisir d'enseigner : En sortant de l'isolement et en se confrontant à d'autres approches pédagogiques, les enseignants peuvent retrouver l'enthousiasme et le plaisir d'enseigner Le développement professionnel permet de sortir de la routine, d'expérimenter de nouvelles méthodes et de se sentir plus efficace dans sa pratique

  • Se réapproprier son métier : Le développement professionnel encourage les enseignants à réfléchir sur leur pratique, à identifier leurs forces et leurs faiblesses, et à construire leur propre identité professionnelle.. Cette démarche réflexive contribue à un sentiment de maîtrise et de satisfaction professionnelle accru .


Développer ses compétences et renforcer sa confiance

  • Améliorer ses compétences : L'acquisition de nouvelles compétences et la maîtrise de nouvelles approches pédagogiques renforcent le sentiment d'efficacité personnelle des enseignants . En se sentant plus compétents, les enseignants sont plus à même de faire face aux défis du quotidien et de gérer le stress lié à leur profession.

  • Diminuer le stress professionnel : Le développement professionnel, en permettant aux enseignants de mieux gérer leur classe, de différencier leur pédagogie et de répondre plus efficacement aux besoins des élèves, contribue à diminuer le stress et la charge mentale .

  • Augmenter la motivation : En constatant les progrès de leurs élèves et en se sentant plus compétents dans leur pratique, les enseignants retrouvent une motivation accrue pour leur métier . Le développement professionnel permet de sortir de la routine, d'expérimenter de nouvelles approches et de se sentir plus engagé dans sa mission éducative.


L'importance de l'autonomie et du soutien

  • L'autonomie comme source de bien-être : Les sources insistent sur l'importance de l'autonomie dans le développement professionnel Lorsque les enseignants peuvent choisir les formations qui correspondent à leurs besoins et à leur contexte, ils sont plus engagés et plus satisfaits de leur parcours.

  • Un soutien institutionnel indispensable : Pour que le développement professionnel soit source de bien-être, il est essentiel que les enseignants bénéficient du soutien de leur hiérarchie et de leur établissement Ce soutien peut prendre différentes formes : la mise à disposition de ressources, l'aménagement du temps de travail, la reconnaissance des efforts et des progrès, et la création d'un climat de confiance et de collaboration au sein de l'équipe pédagogique.


Le développement professionnel, lorsqu'il est bien conçu et mis en œuvre, ne représente pas une charge supplémentaire pour les enseignants, mais une véritable source de bien-être. En permettant de briser l'isolement, de développer ses compétences, de renforcer sa confiance en soi et de retrouver le sens de sa mission, le développement professionnel contribue à un épanouissement personnel et professionnel durable. Les exemples internationaux, ainsi que les initiatives locales réussies, montrent que cette transformation positive est possible, à condition de placer l'enseignant au cœur du processus et de lui offrir un environnement de travail favorable à son développement.


Ce post est extrait d'une série de 20 textes sur les idées reçues en développement professionnel et surtout les dépasser. voir ici


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