Une série à épisodes, le développement professionnel .... continue
- François Muller
- il y a 4 jours
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 4 jours

Un développement professionnel réussi repose sur une approche contextualisée, collaborative, centrée sur les élèves, intégrée à la pratique, personnalisée et soutenue par une volonté institutionnelle forte, tout en valorisant la motivation et la réflexion des enseignants.
Plusieurs facteurs clés favorisent un développement professionnel réussi pour les enseignants. Il est crucial de noter que ces facteurs sont souvent interdépendants et contribuent ensemble à l'efficacité du processus.
Le DPC, c’est d’abord une contextualisation
La contextualisation revêt une importance capitale dans le domaine de la formation, Elle est considérée comme un facteur déterminant pour la réussite du développement professionnel des enseignants.
Une série à épisodes
Chacun connait à présent les us et coutumes des séries depuis une vingtaine d’années, les héros récurrents, les trames des scenarii à l’identique dans les épisodes, les variations d’une saison à l’autre, les accroches à la toute fin, la musique du générique évidemment. Par transposition méthodologique, il est possible que l’aventure du développement professionnel se présente comme une série à épisodes, avec des saisons qui s’étalent sur plusieurs années déjà.

Dans votre établissement, tout se passe comme prévu dès le premier jour de la rentrée, et Pronote vous indique ce qui se passera le 13 mai prochain entre 9 et 10 heures ; alors, il se peut que le déroulement de l’organisation (pratiques, routines, évaluation etc) soit relativement indifférent aux parcours des ses propres acteurs ; certains investissent dans leur propre formation, sans forcément de rapports avec leur situation professionnelle, d’autres n’y pensent même pas (le rapport TALIS 2025 le confirme). La situation est anomique et sans grande vision d’un changement probable.

Dans cette situation, la vie professionnelle apparait plus cadencée, en progressant par paliers successifs ; certains ont investi dans une formation individuelle qualifiante, voire diplômante, qui occasionne alors un changement de statut et/ou de fonction et/ou d’accroissement des compétences ; cela peut alors impacter l’organisation des services, des routines ou l’amélioration de pratiques, à l’aune de certains.

Cette troisième configuration prend en compte la dimension plus collective de ces moments de formation sur site comme autant de parenthèses qui peuvent alors suspendre le temps : « le travail travaille quand le travail s’arrête », signale la clinique du travail du CNAM. Ces temps sont plus réguliers et pourtant il semble ne toucher que des petits groupes différents dans leur objet si ce n’est dans leur objectif. L’impact sur l’organisation de l’établissement reste assez faible, un peu comme si le couplage entre organisation, direction, évaluation et formation n’était pas assuré.

Chaque école/établissement dispose pourtant d’une culture et de son histoire propre ; cela autorise toujours des enseignants à la première visite d’un « extérieur » (ami critique ou formateur) : « tu ne peux pas comprendre, chez nous, c’est spécifique » (sic). De leur point de vue, ils ont sans doute raison ; le temps suspendu d’une formation sur site, ou d’un accompagnement peut être utilement programmé en soutien et en étayage d’un cycle ; une nouvelle direction, l’ambition de rénover un projet d’établissement, de s’inscrire dans un réseau ; ce temps prospectif avec des méthodologies plus réflexives aussi autorisent les acteurs à déconstruire/reconstruire des pratiques et des routines plus implicites pour sauter le seuil. La question se pose alors du réinvestissement et de la durabilité du changement.

La vie (scolaire) n’est pas un long fleuve tranquille ; l’épisode COVID a fait voler en éclats tout « projet » ou programme par essence trop prévisionnel et linéaire. Dans un contexte plus incertain à tous les niveaux (environnement, contexte local, errances politiques, questions didactiques, enjeux professionnels, dimensions biographiques etc), les unités éducatives se différencient nettement par leur résilience, c’est-à-dire leur capacité à gérer les crises et accueillir les problèmes comme des occasions d’apprendre.
Dans ces nouvelles manières de d’appréhender le réel, les « temps morts » deviennent des temps nécessaires de régulation ; ils permettent une meilleure intelligence des situations par les acteurs en leur donnant pour un temps un sentiment de prise sur les choses ; là encore, la question de la continuité reste ouverte.

Dans cette version, une équipe et sa direction (la dimension intercatégorielle est importante) établit dans une certaine continuité des temps reconnus comme des temps de développement professionnel ; on passe de la gestion de l’extra-ordinaire à l’ordinaire inscrit dans la routine collective ; ce pourrait être en fin de période (de mi-trimestre), ou comme des « heures bleues » (sic) inscrites dans l’emploi du temps des équipes ; dans certains pays étudiés, cela correspond à l’équivalent de deux heures par semaine, globalisées et capitalisées, au gré à gré.
Pour que ces temps de régulation servent au mieux la vie professionnelle, certaines conditions sont requises : l’ordre du jour s’alimente des questions des professionnels et souvent des « questions sans réponse » ; ce peut être l’analyse d’un dispositif, la gestion d’une crise, la régulation d’un projet, la préparation d’une séquence, la documentation des pratiques, une étape de l’auto-évaluation, la consultation des élèves, ad libitum.
Ce groupe de développement professionnel est d’autant plus efficace s’il est étayé par un « facilitateur » (c’est le terme employé en Nouvelle-Zélande) ou ami critique : sa relative extériorité et sa neutralité, la guidance et les méthodologies proposées, offrent des opportunités pour que le travail puisse se réaliser dans la durée.
En cela, la formation mute en accompagnement, et participe à l’apprenance de l’établissement. Le spectre des questions s’élargit aux domaines non seulement des pratiques mais aussi à l’organisation, aux routines, en lien avec un nouveau partage des rôles et des responsabilités au sein de l’équipe.
Ainsi, la formation ne peut plus être pensée comme une aventure individuelle et une professionnalisation, ce qu’elle reste par ailleurs ; la transformation en mode accompagnement, en séries à épisodes, avec des scenarii prévisionnels et pourtant ouverts et perméables au contexte, forcément en servant au plus ajusté la vie de l’établissement et les objectifs mouvants d’une équipe dans la durée, implique des changements importants quant aux « métiers » de l’accompagnement et aux compétences en jeu ; l’ingénierie devient prédominante ; c’est précisément l’objet de la dernière partie de l’ouvrage.
Les effets de contexte dans le développement professionnel
La contextualisation signifie que la formation doit être ancrée dans les réalités spécifiques de chaque établissement, de chaque équipe pédagogique et de chaque enseignant. Il est crucial de prendre en compte les besoins particuliers de l'établissement, les caractéristiques des élèves, les contraintes et les ressources locales. En d'autres termes, une formation efficace ne peut être standardisée et "descendante" ; elle doit être adaptée à l'environnement scolaire pour être pertinente et utile.
La formation contextualisée permet de répondre directement aux questions et aux difficultés quotidiennes rencontrées par les enseignants dans leur pratique. Helen Timperley souligne que la formation continue n'est efficace que lorsqu'elle répond aux questions que se posent les enseignants dans leur contexte spécifique. Un diagnostic approfondi des besoins de l'établissement est donc un point de départ essentiel.
En étant ancrée dans les situations professionnelles réelles, la formation contextualisée garantit sa pertinence et son utilité immédiate pour les équipes. Les formations qui s'appuient sur des cas concrets tirés du quotidien des enseignants facilitent le transfert des apprentissages dans la classe.
La contextualisation des dispositifs de formation permet de garantir leur impact sur les pratiques pédagogiques. Lorsque les enseignants perçoivent l'utilité directe de la formation pour leur travail quotidien et pour l'amélioration
des résultats de leurs élèves, leur motivation est renforcée.
Valorisation des cultures locales : il est important de comprendre et de tenir compte des cultures locales, de leurs structures, de leurs références et de leur organisation lors de la conception des formations. S'appuyer sur ces éléments permet de rendre la formation plus significative et plus facile à intégrer dans les pratiques existantes.
Dans une formation contextualisée, le rôle du formateur évolue. Il devient un gardien de l'adaptation locale, devant questionner les contenus et supports en vue d'adaptation aux environnements scolaires diversifiés, aux niveaux enseignés et aux publics spécifiques.
La contextualisation en formation est essentielle car elle permet de rendre le développement professionnel pertinent, efficace et adapté aux besoins concrets des enseignants et des établissements, favorisant ainsi une amélioration durable des pratiques pédagogiques et de la réussite des élèves. Une formation qui ne tient pas compte du contexte risque d'être perçue comme déconnectée des réalités quotidiennes et d'avoir peu d'impact sur le changement des pratiques.
L'efficacité de la formation des enseignants repose sur une combinaison d'une direction d'établissement engagée et encourageante, d'un lien fort avec les apprentissages des élèves, et de modalités de formation participatives et coopératives, le tout dans un contexte adapté aux spécificités de chaque établissement.






Commentaires