Le carré « magique » de l’écosystème de l’éducation en mal de développement (professionnel )
- François Muller
- 31 oct.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 5 jours

Melencolia, gravure sur cuivre d’Albrecht Dürer (1471-1528) (1514, musée Condé, Chantilly)
Imprécations d’en haut ou d’en bas, entend-on, clamant : « il faut changer ». Pourquoi, pour quoi ? pour qui ? L’insistance du changement à régler dans notre système éducatif est régulière, récurrente, elle est pourtant entendue ou sourde pour les acteurs de terrain. Pourquoi changer quand les élèves sont toujours les mêmes ! Même nombre, même âge, même origine.
Pourtant, les changements sont insidieux, sensibles sur une période de cinq, voire dix ans. Les « choses » changent, dans un impressionnisme formel, sans analyse, même dans l’éducation, même à l’échelle d’une école, d’un établissement.
Nous tous, professionnels, devrions être attentifs à ces micro-changements, de nos publics, et par interaction, aux évolutions fortes que doivent connaître nos structures, nos organisations et notre institution. Nous nous devrions de les anticiper, d’y préparer nos jeunes élèves, à l’accueil de l’inconnu et de la complexité. Jamais béats, et toujours interrogatifs du sens, ne nous sommes-nous pas les initiateurs du changement pour la société déjà actuelle et future ?
Dans ce dessein, nous vous proposons volontiers de nous livrer à un jeu d’esprit et d’intelligence en système. En passant par le détour du « carré magique », et par l’infléchissement du « clinanem » cher à Lucrèce.
Le « carré magique », d’un jeu mathématique à une formalisation du changement en éducation

Pour parvenir à une formalisation complexe, l’élaboration est à la fois conceptuelle et progressive. Elle s’inspire d’abord d’un jeu mathématique communément appelé le « carré magique ».
Les chiffes ne représentent qu’eux-mêmes et en soi ne revêtent aucune signification. Donnons-leur alors de la « valeur » ; en retenant la combinaison gagnante, à savoir qu’il faut les quatre éléments pour satisfaire toute ligne ou toute colonne.
Soient donc quatre valeurs essentielles et basiques : P pour la pratique en œuvre, E pour l’espace et le temps du travail, R pour l’organisation et la gestion des ressources humaines, F pour la formation professionnelle.

Les combinaisons sont donc multiples, d’autant que nous pouvons leur attribuer quelques coefficients d’intensité possibles. Mais il faudrait dans chaque combinaison retrouver les quatre éléments indissociables.
Faut-il tout changer pour que rien ne change ? La tentation de la « tabula rasa » a existé. L’expérience par l’histoire, par nos vécus respectifs, nous apprend que les forces d’inertie ou de régulation des systèmes sont plus prégnantes que les grandes intentions ; à tout vouloir changer de façon radicale, les effets sont moindres en profondeur. « Plus cela change, moins cela change ». Ce n’est pas le moindre des paradoxes.
Les leviers classiques du « pilotage pédagogique »
Depuis quelques années, a été introduit le concept de pilotage pédagogique[1] dans la culture des cadres de l’éducation (chefs d’établissement, inspections), et nous pourrons également interroger le rôle, la place et la fonction de la formation des personnels dans ce concept[2].
Classiquement, le pilotage, Philippe Perrenoud l’a résumé en quelques pratiques observées et communes que nous pouvons rapporter aux quatre domaines de compétences énoncés plus haut. : P (pratiques), E(espace et temps scolaires), R (organisation et gestion des ressources humaines) , F (formation professionnelle).
Ainsi, l’institution entend orienter l’activité enseignante :

Nous obtenons donc le carré suivant :

La distribution des items laissent apparaître deux domaines bien investis, deux autres fort désertés. Pour résumer, le changement se conduit essentiellement dans les pratiques (il suffit de prescrire pour faire) et avec l’aide de la formation, aux modalités plus variées. Mais, le pilotage classique laisse (étonnamment ?) de côté les domaines encore peu explorés relatifs à l’organisation des espaces et des temps de travail, comme de la gestion des ressources humaines.
Le système semble bien ici verrouillé et peut laisser penser des « pertes en ligne »,dirait-on dans une politique énergétique : pratiques et formation sont surinvesties de fonctions qu’elles ne peuvent seules assumer. Et tout un chacun sera autorisé à constater que l’inertie du système est trop forte, à quoi bon tout cela, est-ce vraiment efficace ?
La question de la formation mise en débat depuis quelques années ne peut faire l’économie de ce type de réflexion plus large.
Portons alors notre regard bienveillant et formatif sur les quatre variables de notre « carré magique ».
(la suite demain)
[1] D’après Perrenoud, Ph. (2001). Piloter les pratiques pédagogiques ?, article disponible sur le site de l’Université de Genève, LIFE.
[2] Sur le concept de pilotage pédagogique, voir l’article rétrospective, intelligent et quelque peu ironique de Bernard Toulemonde, IGEN, jusqu’il y a peu, Conférence de B. Toulemonde au colloque régional de l’AFAE – Acad de Clermont-Fd, 31 mars 2004, http://perso.orange.fr/afae/region/040331confBT.doc

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