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Faire réussir TOUS les élèves (NZ, épisode 3), Te Kotahitanga

He aha i te mea nui o te ao ? He tangata, he tangata, he tangata ?

Qu’est ce qui est plus important ? Ce sont les gens, ce sont les personnes, les êtres humains !



TE KOTAHITANGA (l’unité ensemble)[1]

Le message est d’importance pour l’éducation, et la réussite de TOUS les élèves ; en Nouvelle-Zélande, cette invitation prend la forme d’une injonction forte et renouvelée ; compte tenu que la terre reste encore une terre au passé colonial encore récent, et terre d’ immigration,  mais déjà peuplée par les tribus maoris ; depuis 1989, les mouvements revendicatifs et la présence politique s’est affirmée ; un processus de restitution des terres et de dédommagement est entamé, qui durera des années. La culture officielle, institutionnelle, et la société est devenue mixte.


Le dispositif Te Kotahitanga et les élèves maoris questionnent le cœur de l’enseignement. Mettre en avant  un curriculum pour tous, c’est s’intéresser de très près à la réussite de tous les élèves ; l’attention est alors portée sur la réussite des élèves maoris. Intervention de Russel Bishop, Univ. Waikato, nov. 2011 à WISE

La traduction dans l’éducation de ce mouvement a été longue ; des initiatives culturelles, des écoles plus mixées socialement et communautairement ; les PAKAHEA (les blancs) tentaient de trouver des solutions pour les Maoris. Mais les résultats « académiques » pour les élèves maoris restaient encore en dessous.


Le changement : by Maori, for Maori, for all

C’est dans les années 1990 qu’une Initiative a été lancée pour améliorer le taux de réussite des élèves maoris, à partir de recherches de l’université de WAIKATO (Russell BISHOP et Mere BERRYMAN, sciences de l’éducation), avant d’aboutir à un programme développé dans les écoles à partir de 2001 : le dispositif TE KOTAHITANGA, c’est-à-dire l’unité ensemble, du nom de 1858, 1er mouvement unitaire de revendication des tribus maoris pour créer un Parlement. Site http://www.tekotahitanga.tki.org.nz



(petit moment musical au titre dédié, Kotahitanga) pour l’ambiance…


La base de la Recherche  est constituée par un travail d’enquête auprès des élèves  maoris, sur un panel varié (difficulté, réussite, etc), , un recueil d’ interviews de recherche (discussion informelle), puis des professeurs, des chefs d’établissement et des familles (corpus de conversation) : quelles sont vos expériences ? Les chercheurs en  tirent un livre, intitulé CULTURE SPEAKS, c’est-à-dire des narrations directes et fidèles, qui sert toujours de référence.


Ils en dégagent trois facteurs influant sur le taux de réussite des élèves maoris :

  • Les  structures : organisation du temps, des espaces dans l’établissement

  • Environnement familial et social : historiographie des parents, rapports avec l’école, conditions et hygiène de vie, sentiment d’estime de soi

  • Relation avec le professeur :


Dans une approche assez pragmatique, ils s’interrogent alors sur le facteur où l’enseignant peut porter  son effort ? (AGENCY : le domaine sur lequel on peut influer). L’action va donc se concentrer sur le domaine de la RELATION AVEC LE PROFESSEUR.


Développement d’un programme de recherche

Approche développante et assez pragmatique par réajustement (phase de 2 ans)

  • Phase 1 : quelques écoles volontaires pour test du programme ; les élèves progressaient selon les disciplines inscrites dans le programme, manque de cohérence dans l’école

  • PHASE 2 : extension du programme à tout un établissement pour rendre cohérent les effets auprès des élèves, approche globale, mais le management ne suit pas

  • PHASE  3 et 4 : les chefs d’établissement sont plus impliqués dans le programme de manière plus cohérente, relève de la politique et de l’organisation de l’établissement.

  • PHASE 5 : dernière étape, les fonds se tarissent en 2012, et les équipes devront être indépendantes ou auto-suffisantes.  Impliquer les communautés et les familles, faire participer la communauté maori (WHANO dit FANO).


Critères de régulation

Les critères permettant de mesurer l’efficacité du programme sont peu nombreux mais suffisamment signifiants au niveau d’un établissement ; concernant les élèves maoris, il s’agit de mesurer les évolutions relatifs à :

  1. présences et exclusions

  2. participations aux activités culturelles et artistiques

  3. prise de rôles (leadership)

  4. parcours scolaires et devenir dans le supérieur

PROCESSUS DE DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL « TKI »

Tout ce qui nous faisons ou mettons en œuvre relève de dimension culturelle, qui souvent nous dépasse ; nous sommes traversés par ces pratiques.


Pour lutter contre Le DEFICIT THEORISING : théorie du déficit, souvent avancé par les enseignants vis-à-vis des élèves maoris, surestimation des conditions de l’environnement sur les chances de la réussite scolaire.

Face à des détracteurs enseignants (je ne fais de spécial pour les seuls élèves maoris, je traite tous les élèves de la même façon, mais en partant de ma culture propre). Il s’agit de prendre conscience de la connivence socio-culturelle qui favorise ou discrimine en milieu culturel. (question de représentation du monde). Exemple de la Lettre E (vue de façon différente), soit un 3, soit un W, soit un E.


Le DISCURSIVE REPOSITIONNING : le fait de prendre conscience et de se poser des questions sur mon attitude, sur ma position). Le « discursive » s’oppose au positionnement traditionnel,  Penser l’alternative.


Ce qui va faire la différence, c’est de définir le « effective teacher profile », extrait des narrations analysées des élèves. c est à dire les actes, les gestes, les postures, les interactions mis en œuvre par un enseignant, pour faire réussir tous les élèves.

  • Interaction : ce qui se dit, les instructions

  • Les relations : respects, s’intérêt à la culture, habillage de la classe


Est mis en place un cycle de « développement professionnel » :

  • « hui whakarewa » (se réchauffer, introduction ensemble, se rassembler) :  stage de trois jours , à partir des « narratives » (etude de textes), pour se repositionner professionnellement, et présentation du programme.

  • Observation : dans les classes, avec un « facilitator », une fois dans le trimestre ; l’objectif est co-déterminé par l’enseignant et l’observateur ;  parallèlement, se met en place, un « shadow coaching ». aller dans la classe de l’autre, observer un autre collègue, pour prendre de l’information

  • Feedback entre l’enseignant et l’observateur

  • Co-construction meeting (équivalent à un conseil de classe) centré autour des élèves maoris observés ; les thèmes et objectifs sont donnés par le groupe lui-même.


Effective teacher profile 

Si vous cherchez à être, devenir, un « bon prof », en France, on a quelques définitions, mais en NZ, ils ont établi en écoutant les élèves plus défavorisés, les parents, les chefs d’établissement, à partir d’analyses d’entretiens, un profil type assez décoiffant (si vous comprenez un peu l’anglais) pour un « effective teacher »: voir sur http://www.educationcounts.gov?t.nz/publications/maori_educat?ion/5383; ou encore une vidéo courte sur le « agentic positionning »


Le domaine « Relation avec l’enseignant » est donc privilégié directement dans le travail de développement professionnel ; son analyse  combine deux champs liés étroitement, d’une part les interactions avec les élèves maoris, d’autre part les relations ; pour chacun de ces champs, des critères d’analyse sont proposés.


 (1) : LES INTERACTIONS

–          Les interactions traditionnelles :
  1. Instructions: consignes, ordres, organisation du travail

  2. Monitoring: mots ou regard de contrôle, de vérification

  3. Feed-back behaviour (plus ou moins) : un mot sur le comportement

  4. feed-back académic negatif : un mot sur un manqué ou une erreur constatée

  5. feed-forward behavior : projeter l’élève sur une tâche, sur une aide, par ex. qu’est-ce que tu pourrais faire pour aider X ou Y ?)

–          Les interactions « discursives » :
  1. Feedback academic positive : (renforcement positif sur des  actes scolaires), spécifier le TB, par ex. « j’aime bien la façon dont tu fais…. »

  2. Feedforward academic positive: « qu’est ce que tu pourrais faire d’autre ? Quelle est la prochaine étape ? A qui tu pourrais demander dans la classe ?

  3. Co-construction :  construire la leçon avec les élèves (powersharing), élaboration en commun des savoirs, du travail, prise en compte des initiatives, négociation du projet, donner des choix .

  4. Prior knowledge : c’est-à-dire partir des connaissances déjà acquises quand ils arrivent en classe, prendre en compte les savoirs déjà là (sans avoir fait l’objet d’un enseignement préalable).

 Les critères d’observation

L’observateur (dit aussi « facilitator « ) dispose d’une grille d’analyse : sur une feuille  d’observation et de suivi sur une classe, l’observateur  consacre alternativement 10 mn (observation des relations), 30 mn de codage pour les interactions puis encore , 20 mn  (relations). Lors d’une séquence,  l’observation porte 10 fois sur quelques élèves , par séquence de 10 seconde.; les cases sont complétées par des initiales.ELEVES1Résultat en %Elève 1FeedforwardHomeworks X %Elève 2

 X Toute la classe    X Individuelle  X Groupe

Le relevé est complété par un schéma ou dessin de l’espace de la classe pour cibler les déplacements du prof et les places des élèves maoris


A l’issue de la séance, les résultats sont compilés pour permettre d’établir une  grille par professeur :

Professeur XToute  la classeIndividuelle

Groupe TOTAL

Interactions traditionnelles

MonitorInstructionsFeedback académic« feed back behaviour (plus ou moins) ,

feed-back académic negatif ,feedforward behavior

Nbre d’items60 %

Interactions « discursives 

»Feedback academic positiveFeedforward academic positive:

Co-constructionPrior knowledge :40 % (au dela, pas de différence significative pour les élèves


)IDEAL est un équilibre 60/40

La confrontation et les expériences conduites depuis dix ans ont montré que les progrès significatifs sont possibles quand il y a variété suffisante et nécessaire des interactions ; celles destinées à réguler plus traditionnelles à hauteur de 60 ¨%, mais aussi celles plus accompagnantes et plus coopératives à hauteur de 40 % ;  il ne s’agit donc pas de tout basculer vers une conduite de classe toute « discursive » ; les différences ne sont plus significatives ; mais juste de trouver cet équilibre subtil qui rétablit les chances pour tous les élèves.[2]


(2) , LES RELATIONS (ou relationships)

Sur l’autre versant de la feuille, le facilitator reporte des observations relatives aux  RELATIONS : ce domaine est réparti en cinq champs bien identifiés, issus directement des analyses des « narratives » (entretiens d’origine avec les élèves et édités dans « Culture Speaks »).

  • Manaakitanga :  manière d’accueillir les élèves, se préoccuper des problèmes seul ou en visibilité, respecter l’intégrité de la personne, capacité d’écoute,  m’occuper de l’élève en tant que Personne, ton de la voix, humour

  • Mana motuhake (attentes élevées) d’abord comportement puis academic

  • Nga Whakapiringotanga (organisation de la classe) : ordre ou désordre, activité prête ou moins préparée,  organisation spatiale, sur les murs, les tables,  affichage (du prof ou des élèves), affichage de l’objectif au tableau, écrire au tableau

  • Culturally appropriate context :  ce que fait le professeur dans sa salle pour que les élèves s’identifie à leur culture, de manière consciente, choisir des exemples propres à la culture maori pour faciliter la compréhension. Prendre appui sur la culture d’origine

  • Culturally responsive context :   pouvoir accepter les éléments de culture d’origine apportés par les élèves, apports des élèves dans le contexte d’apprentissage


L’observation est directe et les éléments sont reportés sur la feuille ; à noter les deux colonnes comparées : entre « ce que je vois » et  la colonne « evidence » ou preuve (matérialité de l’observation et quotité).Ce que je voisEVIDENCE (preuve)X  Little    X  some    X  lots1  2  3  4  5

Cette feuille d’observation et d’annotation est reprise après la séance en un debriefing et une négociation dans l’analyse entre le facilitator etl’enseignant de sorte à pouvoir  fixer un objectif d’amélioration pour la prochaine fois


Devenir facilitator 

La fonction est  prise en charge par des HSE subventionnées par le dispositif national : elle nécessite quelques engagements :

  • Faire des observations avec un facilitator, puis on compare les codes et les notes ; avec l’aide de quelques manuels

  • Entretien d’embauche et questionnements, puis stages de formation trimestriels au niveau régional et un séminaire national annuel

  • Une équipe dans l’établissement de quelques facilitators, parfois une personne entièrement dédiée à l’observation, presque senior management. Qui se réunit toutes les semaines sur une heure « professional developpement ».  (PD).


Le dispositif TE KOTAHITANGA est donc un dispositif PD complémentairement, pourtant parfois déconnecté de l’évaluation globale faite par ERO par ailleurs (voir plus loin).


Nous pourrions cependant qualifier ce dispositif d’innovant (un vocable absent dans le champ lexical néo-zéd, ou alors uniquement dédié aux tice) , en ce sens qu’il touche les marges du système (les élèves maoris, soit 15 % de la population en moyenne), mais séquant, dans la mesure où les questions posées et les solutions proposées portent bien au cœur du système. Nous retrouvons là le principe premier : « for all ».


En savoir plus sur la NZ

 

[1] D’après les éléments recueillis auprès d’Agnès PEYRON, professeur de français et facilitator au Collège jeunes filles de TAURANGA , 20 juillet 2011


[2] Ces conclusions sont très proches des travaux menés par le professeur Monteil et son équipe du CNRS sur les effets du contexte scolaire sur les apprentissages scolaires.


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