Fanny M. est enseignante débutante, en histoire-géographie dans un collège : elle partage en 2021 dans un groupe Facebook très actif ses propres questions.
Les partagez-vous de la même manière (cochez la ou les cases) ?
Je débute dans le métier (collège : tous les niveaux sauf les 6ème) et j’avoue que je suis un peu perdue.
Au niveau des activités, je m’en tiens aux questions sur documents, exposés et débats. À votre avis, comment je pourrais enrichir ? Qu’est-ce qui peut manquer, mérite d’être développé ?
Comment favoriser un maximum les interactions, dynamiser les cours ? J’ai l'impression que parfois il y a des temps morts, des sortes de blancs. Si vous avez des trucs et astuces pour contrer ces couacs, je suis preneuse !
Quelle attitude adoptez-vous en classe ? Je reste devant le tableau ou devant le bureau/la classe, debout, et me déplace entre les rangs quand il y a des activités. Vous faites comment, vous vous déplacez dans toute la classe, entre les rangs ?
Au niveau des devoirs sur table, vous fonctionnez comment ? J’attends d’avoir fait deux chapitres pour en faire un. Je sais pas si c’est assez ou pas. S’il faut être plus régulier ou pas.
Et, enfin, au niveau du déroulement des séances vous parlez beaucoup, laissez plutôt la parole aux élèves ? Quelle place donnez-vous à l’écrit ?
C’est peut-être un peu brouillon mais j’ai vraiment besoin d’échanger et de prendre du recul sur ce que je fais.
« Pour commencer, il faut commencer ; et il faut du courage », Jankélévitch
Partir des questions des professionnels, c'est comment ?
Recueillir des besoins, un leurre pour chacune des parties
S'il est nécessaire que le stagiaire entre réellement en formation (« formation continuée »), procéder d'abord à l'analyse des besoins reste une obligation et un leurre. Paradoxal ? En médecine, on apprend dès la première année que le propre du besoin, c'est qu'il ne s'exprime pas; dès lors, le patient "ment" quand il exprime un sentiment, une demande, une attente; le décalage est relativement important. Les besoins, il faudrait toujours y penser et ne jamais en parler. La ruse serait de le détourer et de l'approcher autrement.
Pourtant, tout le monde en parle, des besoins: "analyse des besoins", pour l'inspection, la direction, les responsables de formation. La seule question reste sans réponse: "comment le savez-vous ?"
Négocier les besoins fait aussi apparaître habitudes et schémas de pensée chez le formé, points d’appui pour le formateur. Cela contribue à la confection « sur-mesure » du programme proposé. Enfin c’est le destinataire et non pas le demandeur du stage qui est le plus à même de connaître ce qui lui servira ; tenir compte de son avis tient donc du bon sens.
Des stratégies différentes d'évitement
Lorsque les formateurs arrivent avec une proposition de formation, les formés n’ont-ils d’autre possibilité qu’une massive et silencieuse approbation, sinon souvent une méconnaissance des raisons de leur propre présence ?
Si ce sont les formés qui sont sollicités pour élaborer le plan d’action, silence ou grande humilité se retrouvent. La question explicite et franche portant sur les besoins est intrusive, et peu se risquerait à y répondre tout de go.
La négociation, niant la supériorité du formateur sur le formé, fait partir le stage sur des pentes savonneuses : l’inadéquation entre demande (supposée) des uns et réponse apportée (sur des bases estimées solides) par les autres est le germe des problèmes fréquents inhérents au stage.
Se recentrer sur les besoins en étant très attentifs aux mots et aux silences aussi. Des entretiens préalables ou une consultation écrite en amont, le recueil d'informations pour construire le groupe aussi sont des alternatives efficaces.
Un retour nécessaire aux sources
Le formé ressent un besoin en formation sans pouvoir facilement l’expliquer ( « non-explicite »).
Les motivations du formé sont souvent loin de l’objet de la formation (recyclage, promotion, pression de l’environnement) à l’image de celles de l’institution (qui « remplit » les stages).
Ni l’idée de négociation ni celle de besoin ne sont claires entre le formé, le formateur (médiateur) et l’institution.
Passer du besoin au problème
Le formateur peut jouer un rôle alors de facilitateur et analyseur dans l’élaboration des besoins des formés Comment faire ?
Partir des problèmes (centrés sur les formés) plutôt que des besoins (dont l’expression est utile aux formateurs pour bâtir une stratégie) . Ce peut être l’exposé de situations concrètes, locales et situées (contexte, enquête sur les travaux des élèves et sur les retours des élèves ) ; leur analyse conduit à leur problématisation. Par exemple: "quelle est la question (du moment) sans réponse pour vous ?"
Homogénéité et hétérogénéité du groupe doivent alors se combiner pour permettre une analyse de situations ni trop complexes ni trop unitaires. La difficulté est alors pour le formateur de maîtriser une problématisation pour laquelle il ne sait pas à l’avance s’il sera compétent pour résoudre les difficultés soulevées. Le métier change aussi de ce point de vue.
Son expérience (le formateur se forme en formant) est alors son bouclier. Le risque serait que son expérience soit le seul prisme de lecture et d'analyse des situations. En portant la question sur la formation des enseignants, on trouve très vite la question de la formation des formateurs aussi, et l'organisation plus efficace en mode "développement professionnel".
200 questions des professionnels, source du manuel
C'est une introduction au Manuel de survie à l'usage de l'enseignant, même débutant, dont un des ancrages reste précisément
les centaines de questions recensées par collègues, jeunes et moins jeunes.
La page et les liens pourront évoluer dans les jours et semaines suivantes, en fonction de la mise en ligne et des interactions avec la communauté, ici et ailleurs
Vous pouvez retrouver bien des extraits du Manuel au travers des différents posts de ce blog sous la rubrique "débuter" ici
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