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Négocier ? Moi, jamais

  • Photo du rédacteur: François Muller
    François Muller
  • 12 juil. 2024
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 juil. 2024

Marie reprend le contrat au diable et le donne à Théophile, 1327, La Haye, Koninklijke Bibliotheek, 71 A 24 http://manuscripts.kb.nl/show/images_text/71+A+24/page/3

En fin d’heure,vous vous trouvez assailli autour de votre bureau: « C’est trop dur ! », « On ne peut pas remettre le contrôle ? », « C’est pas le bon compte de points ». Ne sachant où fixer les limites, vous décidez de ne pas céder au marchandage.


Négocier, jamais ! Ce serait perdre. Vous fermez votre cartable. Les questions resteront sans réponse, pour le moment… Chaque question serait pourtant l’occasion d’ouvrir un nouveau type de dialogue constructif, avec leurs auteurs, plus individuel dans certains cas, collectif dans d’autres. À quel prix la négociation de contrats d’études peut elle se faire pour devenir intéressante pour l’enseignant et efficace pour les élèves ?

 

À QUOI SERT UN CONTRAT ?

 Comment utiliser une technique qui relève du préceptorat alors que j’en ai trente à gérer ?

En situation de grande hétérogénéité, le cas banal de la plupart des classes, le principe d’un cheminement identique à objectifs, contenus et durée égale pour tous se heurte à de nombreux obstacles. Malgré les nombreux dispositifs différ-enciés successifs et parfois super- posés par les équipes et les réformes combinées pour (re)créer une certaine homogénéité, la plupart des enseignants retrouvent en classe des élèves aux niveaux et difficultés très différents. À enseigner de façon égale pour tous, vous ne pourrez empêcher certains de vos élèves de rester très éloignés des savoirs. La question reste d’une grande actualité : que mettre en place pour accompagner « tous » les élèves ?


 En quoi un contrat changerait la situation des élèves déjà en difficulté ?

 La notion de contrat induit un rapport égalitaire, là où l’école traite d’abord les relations sur un mode asymétrique. Pour beaucoup, c’est introduire un élément discordant, dans un univers déjà en mal de régulation. C’est bien la question du pouvoir qui agite celle du contrat : pouvoir du maître sur l’élève, pou- voir du savoir. La figure conceptuelle élaborée par Jean Houssaye permet de faire la part entre une dimension didactique (l’enseignant, le rapport au savoir, sa transmission) et une dimension de la relation pédagogique (entre un enseignant et l’élève). Le contrat est une médiation que l’enseignant propose entre l’élève et le savoir scolaire.

 

Négocier, c’est permettre à l’élève de reconstruire du sens

 

La pratique de la négociation ou la pédagogie du contrat s’inscrit délibérément dans le registre du sens à construire dans toute activité scolaire. Rolland Viau(1) retient trois facteurs. Il faut que l’élève :

  • perçoive la valeur de l’activité ;

  • perçoive sa propre compétence à l’accomplir ;

  • puisse percevoir la « contrôlabilité » de son déroulement et de ses conséquences.

 

Négocier sans sacrifier ses exigences

Dans ma discipline, dans mon programme, il y a trop de contenus ; c’est non négociable.

Négocier des contrats avec des élèves ne signifie pas renoncer à des exigences élevées et aux objectifs généraux de l’éducation ou de sa discipline ; c’est analyser avec l’élève ce qui fait obstacle, alléger des attentes, avec de petites variations et ajustements qui incarnent justement la pédagogie, on peut abaisser le seuil à partir duquel l’activité prend du sens. Négocier les situations didactiques, dans cet esprit, ce n’est pas seulement tenir compte de la réalité, du niveau, des attitudes des élèves en planifiant son enseignement.


C’est développer sa propre capacité de régulation de l’activité en temps réel, pour la proportionner non seulement au public scolaire, mais à la dynamique du moment(2)

. Cette technique permet de mettre en place avec l’élève un travail personnel à objectif limité, dans lequel chacun tient son rôle : à l’élève de fournir un effort de travail et d’apprentissage, à l’enseignant de l’accompagner, lui proposer aides et ressources, valoriser ses petites réussites qui reconstruisent un parcours parfois chaotique. Même si les contenus sont nombreux et lourds à assimiler, il s’agit de rendre accessibles les conditions et le contexte de leur apprentissage. Cela suppose une instrumentation et un suivi plus fin qu’en situation de cours classique et indifférenciée.

 

(1) R. Viau, La Motivation en contexte scolaire, Renouveau pédagogique Inc., Saint-Laurent (Canada), 1994. Philippe Perrenoud, « Sens du travail et travail du sens à l’école » dans les Cahiers pédagogiques, 1993, n° 314-315, repris dans son livre Métier d’élève et sens du travail scolaire, Paris, ESF, 1996.

 

La pratique bien expérimentée du contrat pédagogique fait ressortir quelques types de contrats en fonction des objectifs visés ; on distingue ainsi :

  • l’acquisition d’un contenu disciplinaire et son amélioration ;

  • la réussite dans un ou plusieurs apprentissage(s) particulier(s) ;

  • l’élaboration d’un projet ;

  • la résolution d’un conflit ou d’un problème comportemental ;

  • l’organisation des règles de fonctionnement d’une partie ou de toute la communauté scolaire.

 

L’EXEMPLE D’UN CONTRAT AVEC UN ÉLÈVE

Partons d’un exemple de contrat1 : la lecture de Julien, élève de CM2 en début d’année (voir p. 99). Dans ce contrat individualisé, on s’attache donc à définir ensemble :

  • le (les) type(s) de production finale qui concrétise(nt) l’objectif du contrat ;

  • les moyens et le programme pour le réaliser ;

  • les aides auxquels l’élève fera appel ;

  • l’échéance finale et les échéances intermédiaires ;

  • la forme de l’évaluation de la réussite du contrat et des indicateurs prouvant l’atteinte de l’objectif choisi ;

  • sa diffusion éventuelle.

 

Ainsi, il y a contrat en pédagogie lorsqu’un élève et un membre du personnel éducatif échangent leurs opinions, leurs besoins, leurs sentiments, partagent leurs projets et décident ensemble du programme de réalisation et de l’évaluation de l’apprentissage concerné(2).

 

COMMENT ÉTABLIR UN CONTRAT INDIVIDUEL

Par bien des aspects, négocier un contrat s’apparente à un processus de projet. Gérard de Vecchi souligne quelques traits marquants3 : toute la démarche se fait en commun (avec les élèves) ; dans la phase d’élaboration, il est important de faire émerger le plus possible de propositions de la part de ceux qui apprennent avant que l’enseignant fasse les siennes.

(2) Source : la page desette.free.fr/pmevtxt/lapedagogieducontrat.ht - H. Przesmycki, La Pédagogie de contrat, Paris, Hachette Éducation, 1994, p. 12.- G. de Vecchi. Aider les élèves à apprendre, Paris, Hachette Éducation, 1992, pp. 203-207.

L’analyse de la situation de départ

L’analyse des besoins, par une discussion ouverte avec l’élève, est un pré- alable qui permet de cerner la problématique et de réaliser un diagnostic.

 De plus, il est intéressant de faire ressortir les points positifs qui préexistent et de s’appuyer sur eux (savoirs déjà présents, volonté de progresser, de réaliser une production, d’atteindre un but convoité…).

 

Fixer des objectifs réalistes

Un contrat modeste et réussi est de loin préférable à un contrat ambitieux mais rompu. Choisir un, deux ou trois micro-objectifs, réalistes et atteignables, va rendre possible le suivi par les deux parties (par autoévaluation et coévaluation). De même, l’atteinte des objectifs se manifestera par une production (au sens large) qu’il sera alors nécessaire de bien définir. Les conséquences d’un contrat réussi peuvent être discutées lors de son élaboration.

 

Définir les modalités de réalisation

L’élève devra connaître dans le détail le type de démarche à suivre, réfléchir à ses besoins et aux aides dont il pourra disposer. Un contrat individuel doit être limité dans le temps. Il faut donc parfois élaborer un échéancier.

 

La prise de décision est un moment important à ne pas aborder comme une évidence. Après élaboration d’un contrat, on peut laisser aux élèves un délai de réflexion. L’enseignant aura peut-être intérêt à s’assurer de l’authenticité du contrat (dans le sens où il ne correspond pas à quelque chose d’artificiel, accepté parce qu’il le faut).


 

ADAPTER LE CONTRAT À LA SITUATION

Peut-on passer un contrat avec un groupe ?

La pratique ne se limite pas au seul contrat individuel, passé avec un seul élève. De fait, de manière plus ou moins formalisée, il existe plu- sieurs types de contrats plus collectifs à adapter selon les circonstances comme par exemple :

 

  • Le contrat personnalisé est à privilégier lorsqu’il s’agit de permettre à un élève de dépasser un obstacle : c’est le contrat de Julien. C’est la pratique institutionnalisée dans les PPRE (programme personnalisé de réussite éducative).

  • Le contrat de groupe peut concerner plusieurs élèves pour leur permettre de résoudre une difficulté qu’ils partagent ou de réaliser une production commune. Ce type de contrat est particulièrement utile dans les classes multiniveaux, assez fréquent en primaire, avec un mixage entre CP et CM2 par exemple.

  • Le contrat lié aux règles de vie visera à instaurer un certain état d’esprit dans sa classe. (Voir « la charte de l’élève »,).

  • Le contrat général de formation peut être élaboré en début d’année avec l’ensemble d’une classe dans une discipline. (Voir par exemple , « La carte conceptuelle de la discipline »).

 

 

COMMENT ÉLABORER UN CONTRAT DE FORMATION AVEC UNE CLASSE

 

Le dernier type de contrat, le contrat général de formation, devient très actuel, car il permet d’intégrer les compétences du socle commun de connaissances dans une pédagogie différenciée. Il touche tous les élèves, là où le contrat stricto sensu n’en concernait que quelques-uns, avec les risques possibles de stigmatisation dans un groupe d’adolescents en requérant l’implication différenciée des élèves selon le degré de maîtrise.

 

Un exemple : les tableaux d’objectifs 

Des collègues d’histoire-géographie de l’académie de Caen ont pré-figuré une démarche originale et facilement transposable à d’autres disciplines. Elle consiste à proposer à la classe au début de chaque module des tableaux d’objectifs à trois niveaux de maîtrise. 

Ces tableaux sont des productions à la fois expérimentales, pragmatiques, non officielles, incomplètes et ouvertes :

  • expérimentales, parce qu’elles demandent à être rapprochées du texte relatif au socle des connaissances. Peut-être manque-t-il des questions « incontournables » au niveau 1, ou certaines demandes du niveau 3 sont-elles exagérées ?

  • pragmatiques, car les objectifs sont formulés sous forme de questions le moins équivoques possible, directement utilisables pour l’évaluation ;

  • non officielles, car si le niveau 1 a été élaboré en suivant le pro- gramme à la loupe, les niveaux 2 et 3 ne sont qu’un compromis entre les collègues ;

  • incomplètes, car ces tableaux doivent être testés en classe, puis éventuellement modifiés. Les objectifs de savoir-faire (ou méthodologiques, etc.) ne sont pas abordés. Il reste donc à en dresser une liste possible en histoire. Et la gé graphie ? Il faudrait faire un nouveau tableau ;

  • ouvertes : comment utiliser ces tableaux ? Tout est possible…

 

Mode d’emploi des tableaux. Un tableau a été réalisé pour le programme d’histoire de sixième (voir p. 103). La première colonne porte sur les « repères » (dates, localisations, définitions, éventuellement personnages), la deuxième sur les « questions » (c’est-à-dire tout le reste !). Les exigences sont déclinées sur trois niveaux.

 

  • Le premier niveau correspond à ce qu’il est indispensable de retenir. Il correspond à ce que le socle commun des connaissances et des compétences retient (« cartes », « repères chronologiques », « documents »). Ce sont des questions simples ayant souvent recours aux QCM et des savoirs purs.

 

  • Les deuxième et troisième niveaux sont plus complexes : non seulement le volume des informations à retenir est plus important, mais les questions sont plus larges et font plus appel à une rédaction élaborée et des compétences plus développées.

  

Comment utiliser ces tableaux

Trois solutions sont proposées, au gré de l’enseignant : une minimaliste, une contractuelle, une plus ambitieuse.

 

Trois solutions sont proposées, au gré de l’enseignant : une minimaliste, une contractuelle, une plus ambitieuse.

 

Première solution (minimaliste) : ces tableaux constituent un simple guide pour l’enseignant, pour élaborer son évaluation. Il choisit seul de positionner l’exigence au niveau 1, 2 ou 3. Les élèves ne découvrent les questions qu’à l’évaluation. C’est déjà un premier traitement didactique.

 

Deuxième solution (contractuelle) : l’enseignant se sert du tableau pour indiquer aux élèves les objectifs évalués à la fin de la séquence, sur un seul niveau d’exigence. Par exemple, il peut commencer sa séquence en faisant coller à toute la classe le niveau 2 du tableau « Rome » sur le cahier,


Troisième solution (ambitieuse) : au début de la séquence, chaque élève choisit le niveau sur lequel il va travailler (1, 2 ou 3) en découvrant le tableau complet. Dans un souci de justice comparative évident, celui qui choisit le niveau le plus facile sera moins récompensé que celui qui prend des risques avec le niveau 3. C’est pourquoi il est possible de plafonner les notes pour chacun des niveaux : celui qui opterait pour le niveau 1 ne pourrait pas avoir plus de 12 sur 20 (autrement dit, au niveau 1, 12 sur 20 est la meilleure note possible), 15 sur 20 au niveau 2, et 20 sur 20 au niveau 3.


Il vaut mieux laisser aux élèves le soin de choisir librement leur niveau, plutôt que de l’imposer arbitrairement. Mais il faut bien expliquer le rapport plafond de note/niveau choisi en insistant sur le souci de justice de cet équilibre. Une fois le niveau choisi, l’enseignant mène sa séquence, puis peut prévoir un temps final où les élèves vérifient s’ils peuvent répondre aux questions.

 

À ce moment, pourquoi ne pas regrouper ceux qui ont choisi le même niveau dans une équipe afin de préparer l’évaluation ? De même, il se peut que les informations de la séquence ne soient pas suffisantes pour répondre à toutes les questions du niveau 3 : dans ce cas, il est possible de demander aux élèves qui ont opté pour ce niveau de rechercher ensemble dans le manuel ce qui leur manque…

 

L’idéal de cette production serait de parvenir non à une norme supplémentaire s’ajoutant aux programmes officiels mais à un consensus négocié et accepté sur ces niveaux d’exigence. Ce type de démarche suppose donc une bonne connaissance de ses programmes, une progression souple et la capacité d’organiser des temps de type bilans de savoirs.

 

Toutes ces questions trouveront des réponses pragmatiques si l’enseignant peut s’appuyer sur des col- lègues plus solides, plus aguerris, qui participent à sa propre formation. C’est le début du développement professionnel.


AUTOTEST : RÉDIGEZ UN CONTRAT INDIVIDUEL D’APPRENTISSAGE

Vous assurez des études dirigées avec un groupe d’élèves. Proposez une démarche contractuelle suivant l’exemple de la « lecture de Julien ».


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