Une évaluation pour les apprentissages
L’évaluation reste un problème à l’Ecole en France. Dans un collège de 600 élèves, un principal a dénombré les actes d’évaluation délivrés dans une année scolaire : 90 000 notes.
« Ils essayaient de «donner de la valeur» à ce qu’ils mesuraient au lieu de mesurer ce à quoi ils donnaient de la valeur. » Hargreaves et Shirley, 2009
Certains en réaction s’engagent dans des « classes sans notes », mais quelle est la question ?
L’évaluation scolaire est l’activité la plus routinière, terriblement quotidienne, et celle dont on ne parle jamais (assez), sauf pour s’en plaindre. Le concept et les pratiques sont peu explicitées dans une équipe ; cela reste d’une certaine « intimité » professionnelle, alors que les effets sont d’une grande publicité ; on le voit avec le décrochage ou encore les résultats internationaux (Pisa).
On passe plus de temps à évaluer qu’à apprendre. La relation aux élèves en classe devient paradoxale : le feedback (ou retour d’information orale) sert surtout à main« tenir » la discipline ; les questions/réponses s’enchaînent sans délai pour conduire une réflexion structurée ; les messages sur les copies sont courts et peu spécifiés, répétitifs et peu personnalisés, sans temps suffisant aux élèves pour les exploiter.
La pression notatoire en mettant l’accent sur la comparaison entre élèves, influe directement sur le climat de classe ; elle peut altérer l’estime de soi et la confiance des jeunes dans une école supposée quand même bienveillante. L ’évaluation est au cœur du « réacteur scolaire » : elle énergise comme elle brûle.
Professionaliser l’évaluation, oui mais comment ?
L’évaluation pour les apprentissages est issue d’une expérimentation validée et adoptée par des dizaines de pays ; à partir du livre-clef de Black et William intitulé Working inside the black box.
« L’évaluation pour les apprentissages (assessment for learning) est le processus consistant à chercher et à interpréter les informations dans la classe afin d’identifier où en sont les élèves dans leur apprentissage, vers où ils doivent aller, et comment ils peuvent le faire de la meilleure manière possible »
Il s’agit d’opérer un déplacement d’une évaluation DES apprentissages à une évaluation POUR les apprentissages, caractérisés par quatre pratiques corrélées :
1- Mettre en œuvre des questions orales efficaces et ouvertes et étendre le « temps d’attente » , Utiliser les réponses des autres élèves.
Plutôt que : est-vous d’accord ou non ? »; Préférer « qu’est-ce que vous pensez de la réponse de Sophie ? » ou « qu’est-ce que l’on peut ajouter à la réponse d’Elise ? » ou « Paul a dit cela…mais Laure a exprimé autre chose…comment pouvons-nous rassembler ces deux idées ? »
2- Favoriser l’usage formatif de l’évaluation sommative Identifier systématiquement trois succès et une voie d’amélioration
Essayer d’identifier dans un travail écrit conséquent trois succès et une voie d’amélioration le signifier à l’élève et en attendre une réponse ; il peut écrire à la suite de votre propre annotation ; un dialogue peut s’initier ; les échanges numériques permettent ainsi par mels d’avoir de véritables échanges argumentés, occasion trop rare en classe, sur les questions d’évaluation.
3- Développer les interactions et les échanges d’information sur la qualité du travail des élèves et les aider à comprendre leur propre travail
I Comportement I Savoirs I
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Feed-back I POSITIF/NEGATIF I POSITIF/NEGATIF I
(retour d’information à l’élève) I 10 manières de dire « c’est bien »…
I Donne moi ton carnet de correspondance
!Méthode claire, bon résultats
pour le tableau et le graphe,
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Feed-forward I POSITIF/NEGATIF I POSITIF/NEGATIF I
(projection verbale à l’attention de l’élève)
mais qu’est-ce que cela te dit sur leur relation ? »
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Voir 98 façons de dire c’est bien à l’école, http://www.educatout.com/outils/trucs-et-astuces/divers/98-facons-de-dire-tres-bien.htm
4- Utiliser l’auto-évaluation des élèves et l’évaluation par les pairs dans la classe.
En indiquant deux ou trois critères de réussite explicites qui sont autant de balises
En faisant un point d’étape sur l’avancement du travail en mutualisant les traces,
En variant les occasions de travailler coopérativement
En construisant avec les élèves les critères pour réussir un travail
Les élèves responsabilisés s’engagent davantage dans un travail mieux balisé, dans une ambiance plus sereine ; la coopération assainit les relations et apaise le climat de classe. L’enseignant de son côté est plus disponible dans une posture plus acccompagnante ; il est à même de mieux comprendre les processus mentaux des élèves, de repérer les difficultés.
La combinatoire de ces quatre pratiques permet de faire réellement progresser tous les élèves et renforcent la motivation, la confiance dans l’enseignant
L’évaluation comme développement professionnel
La formation des enseignants sur les questions d’évaluation et La coopération entre enseignants dans l’établissement sont des points clés dans cette approche. Ces pratiques sont l’objet d’un dispositif de développement professionnel, quand on peut mettre en place :
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Rencontre régulière avec les chercheurs (1 jr/5 semaines)
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Visite et observation des situations de classe
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Compte-rendu des séances et questions collectives
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Temps, liberté, soutien pour les enseignants
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Recherche de solutions concrètes mais suggérées par la recherche
L’évaluation pour les apprentissages est un des cinq vecteurs de la transformation silencieuse de l’Ecole, elle est corrélée au développement professionnel des enseignants, à l’auto-évaluation de l’établissement, au leadership partagé et à l’innovation.
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