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Le socle commun de connaissances et de compétences, une compétence collective à construire


Nous sommes régulièrement sollicités pour accompagner la réflexion d’équipes en école, en établissement ou encore en réseau (regroupement d’équipes de direction) pour étudier l'actualité du socle commun de connaissances et de compétences.

De fait, il s’agit pour les structures, pour les personnels, pour les pratiques moins de « mise en place » que d’abord une étude de fond qui porte formativement parlant sur les représentations en la matière, fort diverses n’est-il pas, sur les résistances à ce type d’approche, et sur les évolutions possibles en termes même d’identités professionnelles.


Un Q-sort "socle commun"

C’est pourquoi à l’occasion de l’encadrement d’un grand groupe (120 personnes), nous proposons la technique dit du Q-sort:


1.C’est l’actualisation du système français au cadre européen de l’éducation 2.C’est encore une réforme de plus, jusqu’à la prochaine 3.C’est enfin l’occasion de faire une école pour tous et pour chacun 4.C’est la négation des disciplines et des programmes 5.La logique du socle est en parfaite contradiction avec la culture et les pratiques de l’enseignement public français. 6.C’est une occasion unique de travailler ensemble et autrement 7.C’est un casse-tête pédagogique pour les chefs d’établissement 8.C’est un texte de cadrage qui permet des applications locales 9.C’est la fin de la liberté pédagogique pour les enseignants 10.Il est urgent d’attendre les instructions complémentaires 11.C’est un document qui va donner de la cohérence aux enseignements et du sens aux apprentissages 12.C’est un compromis infaisable entre la pression de lobbies et des directives européennes 13.La logique du socle est une pleine harmonie avec la dynamique des Assises de l’enseignement catholique. 14.C’est un moyen pour en perdre (des moyens) 15.Nous attendrons une formation pour nous y mettre. 16.C’est un dispositif qui permet de remettre les évaluations à leur juste place 17.C’est introduire le libéralisme dans l’univers scolaire 18.C’est un chantier de vingt ans 19.C’est l’aboutissement d’une réflexion vieille de quarante ans. 20.C’est « ce qu’il n’est pas permis d’ignorer » au terme de l’Ecole obligatoire 21.C’est la modernisation du cadre professionnel qui permet l’évolution des pratiques 22.c’est posséder pour les élèves un outil indispensable pour sa vie… pour la société 23.C’est impossible sans l’accompagnement des enseignants 24.C’est un document qui demande à être discuté par les équipes


Objectifs des Q-Sorts portant sur l’analyse de représentations
  • Procurer à chaque personne l’occasion d’analyser les différentes dimensions d’une conception ou représentation donnée

  • Offrir la possibilité d’effectuer des choix implicites ou explicites, distincts pour chacun, lui permettant de se situer par rapport à d’autres personnes.

  • Faire apparaître les tendances d’un groupe, les consensus et les contradictions, par rapport à une conception ou une représentation

  • Donner une opportunité de mesurer l’évolution d’un groupe ou de chaque individu par rapport à un concept: au début, au cours ou à la fin d’une formation ou d’un séminaire

  • Observer les distorsions entre des représentations idéales et des conceptions pratiquées

  • Rendre possible la comparaison des représentations émergeant de divers groupes ou sociétés

  • Rechercher l’évolution d’un concept ou d’une représentation entre diverses époques


Consignes de passation
  • La passation se réaliser, individuellement ou collectivement, dans le strict respect de l’anonymat. Les réponses personnelles de classement de propositions ou items doivent être marquées sur deux morceaux de feuille sans nom, dont l’un est gardé par son rédacteur. Ces feuilles peuvent être fournies imprimées à l’avance selon les modèles donnés ci-dessous ou fabriqués sur un modèle tracé au tableau.

  • Les consignes peuvent s’appliquer à la personne même qui passe le Q-Sort mais on peut aussi demander à celle-ci de se placer du point de vue d’autres personnes (à définir) ou du point de vue du sens commun.

  • Les consignes peuvent être relatives à l’idéal qu’on se fait du concept ou relatives à la façon dont on l’envisage dans la pratique Par exemple:A votre avis, comment classer idéalement les différents items ?Selon vous, comment telle catégorie de personnes classerait-elle les différents items pour une présentation idéale de ce concept ?Selon votre pratique personnelle, classez les différents items


Selon vous, comment classer les items pour indiquer de quelle façon telle catégorie de personnes vit en pratique ce concept ?
  • Les consignes peuvent également porter sur le passé et le présent: Par exemple: comment autrefois aurait-on classé ces différents items ?Comment aujourd’hui classe-t-on ces différents items ? Dans la pratique, dans l’idéal, par vous, par d’autres personnes…

  • Le classement s’effectue selon des échelles de répartition correspondant à une distribution aussi proche que possible de la distribution gaussienne. Ces échelles sont placées sur les modèles de feuilles-cadres ci-dessous. Une telle répartition obligée contraint d’une certaine façon l’individu à décider ses choix de façon aussi réfléchie qu’affective.

  • Il faut compter de 15 à 30 minutes pour un Q-Sort de 20 items


L’invitation forte de l’Institution aux équipes d’école et d’établissement de mettre en place le « socle commun de connaissances et de compétences » risque de se heurter à quelques écueils connus ou sans doute plus inattendus.


Une fable pour se dire ensemble ce que nous appellons « socle »:

Un jour, les animaux décidèrent de faire quelque chose pour résoudre les problèmes du monde moderne. Ils organisèrent donc des élections, et un ours, un blaireau et un castor furent désignés membres de la Commission d’Enseignement. Un hérisson fut engagé comme professeur. Le programme scolaire consistait à courir, grimper, nager et voler, et, afin de faciliter l’enseignement, l’on décida que toutes ces disciplines seraient obligatoires.


Le canard battait tout le monde à la nage, même son professeur, mais il était très médiocre quand il s’agissait de voler et complètement nul à la course. C’était là en fait un si mauvais élève qu’on décida de lui donner des leçons particulières : il devait donc courir pendant que les autres allaient nager. Cet entraînement meurtrit tellement ses pieds palmés qu’il obtint à peine la moyenne à l’examen de natation.


L’écureuil grimpait mieux que quiconque, avait toujours la meilleure note en escalade, 18 sur 20. Voler, par contre, lui déplaisait profondément car le professeur exigeait qu’il saute du haut de la colline, alors que lui préférait s’élancer de la cime des arbres. Il se surmena tant qu’au bout d’un certain temps, il n’obtint plus que 8 en escalade et 6 à la course.

L’aigle était une forte tête que l’on punissait très souvent. Il éclipsait tous les autres quand il fallait grimper aux arbres, mais ne voulait utiliser que sa propre méthode. On décida donc de le mettre dans une classe d’observation.

Le lapin était tout d’abord le champion de course à pied, mais les heures supplémentaires qu’on lui fit faire à la piscine finirent par lui donner une dépression nerveuse.


A la fin de l’année scolaire, une anguille prodige, médaille d’or de natation, et qui savait aussi grimper, courir et même voler un peu, obtint la meilleure moyenne dans toutes les disciplines. Elle fut donc désignée pour prononcer le discours de fin d’année lors de la distribution des prix.


Creuser des galeries ne figurant pas au programme scolaire, la taupe ne put aller en classe. Elle n’eut donc d’autre choix que d’envoyer ses enfants en apprentissage chez le blaireau. Plus tard, ils s’associèrent avec les sangliers pour fonder une école privée, et celle-ci eut beaucoup de succès.


Mais l’école qui était censée résoudre les problèmes du monde moderne dut fermer ses portes – au grand soulagement de tous les animaux de la forêt.



extrait de « Contes et fables pour l’enseignant moderne », André de Peretti et François Muller, éd. Hachette Education, 2006


Ainsi donc, avec la meilleure volonté de recherche des solutions aux malheurs du monde, l’Ecole, dans son organisation tayloriste et sur-évaluative, en arrive de réelles contre-performances: elle « brûle » les élèves en les surexposant aux pratiques notatoires de l’enseignement programmatique.


S’intéresser désormais au socle des connaissances et des compétences, ce n’est plus forcément enseigner telle ou telle discipline, mais bien s’intéresser à ce que chaque élève puisse savoir « nager, sauter, courir » etc…. C’est peut-être une question de point de vue. Mais en êtes-vous bien sûr ? Pouvons-nous en discuter ?



Quelques « alertes » attendues à surveiller:

  1. Quels sont les moyens (humains, bien sûr) consacrés en accompagnement et en formation (talon d’Achille de notre système !) pour permettre aux personnels, et en tout premier lieu les « corps intermédiaires » (inspection, formateurs, conseillers pédagogiques, direction) de s’approprier des concepts aussi lourds et difficiles que: socle, compétences, évaluation partagée, organisation en cycle ?

  2. Comment travailler trés explicitement, et faire comprendre, la place des savoirs dans l’élaboration de la compétence ? A défaut de ne pas être clair sur cette question, les collègues auront vite fait de penser à une (dés-)articulation antagoniste entre connaissances et compétences. De notre point de vue, c’est le contraire même de l’intelligence, à savoir la combinatoire et le lien.

  3. Comment permettre de concilier évaluation et pratiques de notation scolaire traditionnelle et évaluation du « socle » ? D’abord, est-ce compatible ? Comment traduire, presque technologiquement parlant, tout un livret quasi-illisible pour des enseignants, (et les parents !) en une information claire sur le niveau atteint par l’enfant ?


Quelques écueils cachés et embusqués

  1. Les concepts à l’oeuvre dans ce texte fondateur ne sont pas acquis par tous les acteurs; ils ne sont pas stabilisés dans la communauté scientifique et font même l’objet de débats contradictoires, et donc de résistances fortes à l’intérieur même du système éducatif. Les difficultés que rencontrent les équipes de terrain ne sont que la reproduction de ce qui se passe un peu plus haut. Donc, on ne peut tout résoudre, a fortiori seul !

  2. Les processus à l’oeuvre dans la mise en place du « socle » sont intelligents et passionnants à plus d’un titre, mais encore loin d’une pratique majoritaire sur les terrains d’exercice: évaluation partagée, enseignement par cycle, approche compétence, modularité de la formation, individualisation des parcours, livrets de suivi sur plusieurs années; collaboration professionnelle; réflexions didactique; adhésion aux valeurs et aux finalités nouvelles de l’Ecole. et enfin… « organisation apprenante », expérimentation.

  3. Les enjeux du texte et de l’évolution des pratiques qu’il sous-tend peuvent nourrir une résistance, à défaut une inertie telle que notre Education la connait: sentiment peut-être fallacieux de la perte de sa liberté pédagogique, impression d’être dépassé, non-adhésion à des valeurs faisant passer la citoyenneté au détriment des savoirs, vision individualiste de l’organisation de l’école. Tout cela existe. Nous avons même rencontré cette peur de se voir dépossédé de l’évaluation: car dans une approche-compétence, le formateur n’est pas l’évaluateur, en tout cas, pas le le meilleur.


Quelques actes de la responsabilité collective

Ainsi, la mise en application du socle commun dans une école ou un établissement ne peut se faire à l’économie, sans que la direction, et son équipe ne posent quelques questions, formelles ou informelles, autour de la « compétence collective », agissante dans cette évolution:  


Pour aller plus loin:

EDUSCOL, mise en place et programme, livret en expérimentation Le Socle commun, mais comment faire ? l’importance contribution des Cahiers pédagogiques, (nov. 2007) à télécharger, aprés le n° spécial de janvier 2006. La contribution de Vincent BRETON


NB: le dessin du « socle » est de Jacques CHABERT, formateur IUFM Montpellier, produit lors d’une formation de formateurs en sept. 2007



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